Photographié en train de se masturber dans un TER
L’air un peu absent, certainement humilié d’avance à l’idée de décrire à la barre sa « fantaisie ferroviaire », ce chômeur quinquagénaire apparaît bien loin du narcissique fier d’exhiber son sexe. Pourtant, ce Mentonnais comparaît devant le tribunal correctionnel pour s’être masturbé dans une rame quasi déserte du TER ralliant Nice à Menton le 14 octobre dernier vers 21 heures. Sans le savoir, il s’est caressé devant une passagère, assise à quelques sièges d’intervalle, étonnée d’assister à pareil spectacle. Décontenancée par cette pratique hors du commun, elle a aussitôt pris une photo en positionnant son smartphone entre deux dossiers de fauteuils. Et dénoncé les faits à la Sûreté publique.
« Enquête de piètre qualité »
À l’audience, le prévenu reconnaît la nature des faits reprochés. Mais il conteste avoir agi sur le territoire monégasque. « J’ai acheté trois cannettes, affirme-t-il au président Jérôme Fougeras-Lavergnolle. La première bière, je l’ai bue sur le trajet pour rejoindre la gare. La deuxième, je l’ai avalée au moment d’arriver à la station de Roquebrune-CapMartin. Après avoir ingurgité la troisième, peu avant Carnolès, j’ai eu cette pulsion subite. Je n’étais pas à Monaco… » Aussitôt, son conseil, Me Arnaud Cheynut, essaie de transformer cette assertion en élément de nullité. « C’est une enquête de piètre qualité, tempête l’avocat. Il est d’abord question de compétence territoriale pour votre tribunal. Où l’infraction a-t-elle eu lieu ? En France ou sur le territoire monégasque ? Sur la photo où mon client est surpris en train de se masturber, rien ne permet d’affirmer si le cliché a été fait justement à Monaco ou dans le pays voisin. »
Alcool et chômage
Et de s’étonner : «Le témoin est absent ! Je regrette également qu’aucune image de vidéosurveillance de la gare n’ait été exploitée par les policiers pour confirmer les faits en Principauté. Tout comme l’analyse du téléphone de la plaignante, afin de relever l’heure de la prise de vue. En comparant ces données avec l’horaire du train, on aurait pu savoir précisément à quel endroit se trouvait le convoi. » Puis le plaideur soulève l’argument principal devant pareil comportement au fil d’interrogations. « Mon client n’est-il pas atteint d’un trouble psychiatrique ? Au moment des faits est-il en pleine possession de ses facultés mentales ? Son isolement social en étant chômeur et son alcoolisme ne sont-ils pas les vrais responsables ? Pour s’en assurer, une expertise me paraît indispensable. » Le président écoute et rappelle brièvement : « La plaignante a vu l’individu ouvrir son pantalon pour se toucher, sortir son pénis en érection, puis se masturber. Elle affirme : “Il savait très bien que je n’étais pas loin”... Elle a montré la photo à d’autres personnes qui ont reconnu le cuisinier… »
Quinze jours avec sursis requis
Puis il s’adresse au prévenu. « Pendant l’attente du TER, sur le quai, vous avez regardé des images pornographiques sur votre portable… » Réponse : « Je croyais qu’il n’y avait personne dans le train… » Le procureur Cyrielle Colle insiste sur un « convoi encore à l’arrêt en gare de Monaco quand la plaignante prend la photo. Pourquoi mentirait-elle? Dans son incapacité à réfléchir sur de tels faits, il faut mettre une barrière: quinze jours avec sursis. »
En délibéré jusqu’au juin
La défense rappellera ses précédents propos. « En dehors de toute lucidité, le prévenu ne peut pas être jugé en l’absence d’expertise. Rien ne permet d’établir cette infraction en Principauté. Si jamais votre tribunal s’estime compétent, je plaide l’indulgence pour un homme qui vit en marge de la société. » L’affaire a été mise en délibéré jusqu’au mardi 5 juin.