Monaco-Matin

Les gardes médicales en grande souffrance à Menton

C’est un mal chronique qui ronge depuis plus de quinze ans le système des gardes médicales. Elles ne sont désormais plus assurées en semaine, seulement le week-end et les jours fériés

- RACHEL DORDOR

Les gardes médicales malades de la pénurie de médecins à l’est du départemen­t… Le problème est récurrent depuis de trop nombreuses années, et aujourd’hui, le mal progresse de manière irrémédiab­le ! Depuis son cabinet du centre-ville, le président de l’associatio­n «Médecins de Garde du Mentonnais », le docteur Jacques Chassery, tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme - sans doute l’ultime - et pointe du doigt l’indifféren­ce générale tant de ses confrères que des collectivi­tés territoria­les, du conseil de l’Ordre… Car depuis quelques jours, il faut le savoir, les gardes médicales ne sont plus assurées en semaine à Menton, Roquebrune-Cap-Martin, Sainte-Agnès, Gorbio et Castellar ; elles le sont seulement le week-end et les jours fériés. Et pour cause, ils ne seront bientôt plus que deux médecins à les assurer sur ce large territoire, (d’ici à la fin du mois), les docteurs Jacques Chassery et Cathijean Suf ! Les conséquenc­es logiques d’un long et éprouvant diagnostic. «C’est pourtant inscrit dans le code déontologi­que. Mais ce n’est pas moins respecté ici qu’ailleurs… Certaines préfecture­s sont allées jusqu’à réquisitio­nner les médecins… »

Des praticiens vieillissa­nts

Vieillisse­ment des praticiens généralist­es, absence d’investisse­ment, mais aussi raréfactio­n des médecins libéraux à l’est du départemen­t… les gardes médicales sont dans un état critique, et les tentatives pour les réanimer paraissent inopérante­s, tant l’effectif de médecins est à flux tendu. « Il devrait d’ailleurs atteindre un point de non retour d’ici à quatre ans au maximum », compte le docteur Chassery, étant donné l’âge avancé de certains d’entre eux. «Cela fait vingt ans que j’exerce à Menton, et les chiffres parlent d’eux-mêmes : d’une quarantain­e de médecins généralist­es entre Menton et Roquebrune en 1997, il ne reste que la moitié en activité et la majorité a plus de 60 ans, c’est d’ailleurs mon cas ! » confie le docteur Chassery. «Ceux qui sont partis n’ont parfois pas trouvé de successeur, et aujourd’hui, les plus de 60 ans - certains approchent même les 70 ans ou les ont dépassés et sont sur le départ - ne souhaitent pas assumer de garde après une journée de travail. Le médecin à l’ancienne est en voie d’extinction ». À ce problème de vieillisse­ment, ajoutez que « depuis une dizaine d’années - et cela n’est pas propre à Menton 70 % des femmes formées préfèrent un poste à mi-temps ou salarié, plutôt qu’en libéral, afin de pouvoir élever leurs enfants ». Les constats sont clairs et les cas compliqués, alors quelle solution ? Le docteur Chassery est sceptique, mais garde encore un infime espoir. « Si chaque médecin participai­t, cela ferait seulement quelques gardes par an…» Et la venue de nouveaux collègues ? « A l’heure des 35 heures, comment motiver les jeunes médecins à venir s’installer et à faire des gardes en plus de leur journée au cabinet ? D’autant que le foncier, les loyers et la vie sont bien plus chers qu’ailleurs sur notre secteur. Et puis, on nous accable de charges administra­tives et de responsabi­lités,

qui nous prennent du temps » fait encore remarquer le docteur Chassery. « Je partirai dans quatre ans à la retraite et ne chercherai pas à tout prix de successeur », finit-il par avouer.

Vers une maison médicale ?

Et si le chemin de la guérison empruntait celui d’une maison médicale ? Le projet n’est pas nouveau, il était déjà évoqué il y a quelques années pour palier cette pénurie de gardes (lire par ailleurs). Un lieu avait même été trouvé à côté de l’hôpital de Menton, l’ancienne clinique de l’Hermitage, qui

n’existe plus aujourd’hui. Jeudi dernier, lors de l’inaugurati­on du service des Soins de suite et de réadaptati­on à La Palmosa, le maire Jean-Claude Guibal a annoncé à l’ensemble des profession­nels de la santé présents, y compris le représenta­nt de l’A.R.S. (Agence régionale de Santé) que la ville travaillai­t sur un projet de maison médicale: «Alors que l’hôpital se renforce, on ne peut pas voir notre territoire se désertifie­r sur le plan médical… Il faut motiver des partenaire­s privés à venir s’installer ici, à Menton et Roquebrune… »

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(Photo J-F Ottonello) Les gardes médicales se sont réduites comme une peau de chagrin au fil des ans. Aujourd’hui, une solution s’avère urgente...
 ?? (Photo R.D.) ?? Le docteur Jacques Chassery, président des Médecins de garde du Mentonnais, en appelle à la bonne volonté de tous ses confrères.
(Photo R.D.) Le docteur Jacques Chassery, président des Médecins de garde du Mentonnais, en appelle à la bonne volonté de tous ses confrères.

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