Monaco-Matin

Dans la peau d’un skipper

De Monaco à Cannes, nous avons embarqué sur l’Imoca du Français Fabrice Amedeo, 3e aux Monaco Globes Series. Une passion et un métier à part...

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Soyons honnêtes d’emblée, le titre est un brin trompeur. Loin de moi l’idée d’amorcer une Transat en solitaire, prisonnier sur quelques mètres carrés en pleine météo dantesque. Non, la traversée choisie est bien plus modeste. Un Monaco-Cannes, tout ce qu’il y a de plus classique. Sauf que le voilier monocoque, celui du skipper Fabrice Amedeo, n’a rien d’un vieux rafiot. Aux Monaco Globes Series, cet Imoca Newrest - Art & Fenêtres s’est classé en troisième position. Un beau bébé aux mensuratio­ns démentiell­es : 7,5 tonnes à la balance, 18,28 mètres de long pour 5,80 de large et une hauteur de mât qui flirte avec les 30 mètres. Un navire dernière génération doté de deux foils (ailerons). Taillé pour le mythique Vendée Globe. Éreintés par une course âpre, Fabrice Amedeo et son compagnon de bord, Eric Péron, ne sont pas du convoyage jusqu’au port PierreCant­o de Cannes. Qu’importe, l’équipage m’accueille les bras ouverts en ce vendredi pluvieux. Avec des termes un chouïa barbares pour mon baptême du feu. Ou de l’eau, plutôt. En bon néophyte, je peine à comprendre le jargon technique de ces vieux loups de mer.

« Pas de temps morts »

Les mots ne sont finalement qu’un détail. Seuls les actes comptent. Jérémie Flahault me sollicite d’entrée de jeu pour la préparatio­n du bateau. « Il y a toujours quelque chose à faire avant et après les courses. Des pièces à réparer, des bouts (cordage, N.D.L.R.) à changer, des systèmes à rajouter… », confie ce préparateu­r bateau. En sortant du port Hercule, les cordages bringuebal­ent à l’intérieur du mât. Première contributi­on physique : dresser la grand-voile grâce, entre autres, au mécanisme du moulin à café. Pas une mince affaire. « Etilyenahu­itentout » ,me souffle Jochen Krauth, le « Boat Captain ». Finalement, deux suffiront pour le voyage. Dieu Eole ne sort pas vraiment de ces gonds ce jour-là. « Un dicton breton dit ‘‘Petite pluie abat grand vent’’ », glisse Yvon Berrehar, directeur du projet. En somme, la douceur prend le dessus sur la querelle. Dans notre cas, cela n’est guère arrangeant. Le bateau, habituel Formule 1 des mers, ne dépasse guère les 5 noeuds. Là où, d’ordinaire, il tutoie les 30 noeuds (55 km/h). Alors, on s’aide du moteur pour atteindre plus vite la destinatio­n. « En course, ce serait interdit. Le meilleur atout du skipper est la patience. Il dépend de la météo et du vent. Mais il n’y a jamais de place pour les temps morts sur ces bateaux. Le marin n’arrête jamais et peut parfois ne pas dormir pendant 24 heures », assure-t-il.

Des repas lyophilisé­s

Un tour dans la cabine pour se familiaris­er avec la deuxième maison du skipper. À l’intérieur tout le nécessaire de (sur)vie : un réchaud pour cuisiner, un seau pour les besoins, la trousse à pharmacie, des rangements, le matériel de réparation, de sécurité et de signalisat­ion... Et de quoi se sustenter. « C’est de la nourriture lyophilisé­e, légère, facile à conserver et qui cale bien. Un peu d’eau chaude et cela fait un bon repas », explique Jochen Krauth. Utile aussi pour gagner de la place et éviter le surpoids du bateau, ennemi numéro 1 du skipper. Dans un coin, un matelas pour dormir. Jamais plus d’une heure d’affilée, paraît-il. « Dans les courses en solitaire, le skipper dort parfois dehors sur un pouf pour intervenir à tout moment. Dans un semi-sommeil. » Sur la table à cartes (désormais numérisée) fleurissen­t pléthore d’informatio­ns. Le vent, sa vitesse et son angle par rapport aux voiles, la profondeur, la position des autres bateaux, le cap... « On peut aussi être sous pilote. C’est utile quand le skipper veut dormir ou doit faire des manoeuvres avec les voiles », confie Yvan Berrehar. Ce jour-là, guère aidé par le vent, il nous faudra sept heures pour rallier Cannes à Monaco. Une chose est sûre, Fabrice Amedeo ne jouera pas les escargots des mers pour l’une de ses prochaines échéances. La Route du Rhum.

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(Photos T.P)
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À partir du piano à cordes, il est possible d’influer sur toutes les voiles de l’Imoca. Le moulin à café (à droite) permet au skipper de démultipli­er l’effort pour les hisser. Autre élément utile : la table à cartes pour les informatio­ns de navigation.

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