La plage de la Paloma virée par la préfecture Saint-Jean-Cap-Ferrat
Démantèlement partiel, hier, de la plage privée, menacée d’expulsion par l’Etat depuis huit ans. Entre amertume des employés et incompréhension des clients
La Paloma, adieu…» C’est le titre d’une chanson. Une chanson triste. Triste comme l’ambiance, hier matin, sur la plage de la Paloma, à Saint-Jean-Cap-Ferrat, partiellement démantelée sur ordre de la préfecture. «Ils sont venus à 9 heures», raconte une plagiste encore sous le choc, le regard perdu. «Ils» ? Représentants des services de la concurrence et des fraudes, huissiers, gendarmes, déménageurs. En près de trois heures, transats, matelas, «beds», parasols, barrières, caillebotis… ont été expulsés des galets, transportés dans plusieurs camions. Confisqués. Au terme d’un «procès-verbal de consignation». Cette issue couvait depuis huit ans, lorsque s’est engagé un bras de fer entre l’Etat, la commune et Paloma Beach. Huit ans de menace d’expulsion pour la plage, dans le cadre de la loi littoral. Concrètement, en 2010, une contravention de grande voirie avait été lancée à l’encontre de l’établissement, installé depuis Plus un seul matelas, plus un seul parasol depuis hier matin sur la plage de la Paloma. (Photo Frantz Bouton)
1947 au creux de l’anse de la Scaletta, entre mer transparente, rochers, essences méditerranéennes. Depuis lors, sa concession n’a plus jamais été renouvelée. Hier, le couperet est tombé. Prenant la forme d’un déménagement
à l’improviste, en présence du personnel sonné et des clients médusés. Certains sont venus de loin pour pouvoir bronzer paisiblement. On imagine leur déception. Leur incompréhension. On les chasse de la plage. Rapatriés dans les salons à l’ombre des toits en canisse, pour l’instant épargnés au même titre que le restaurant, la cuisine, la terrasse. «Les technocrates parisiens ne comprennent décidément rien», ose cette fidèle des lieux. « C’est de la jalousie », pronostique une autre.
Onze employés sur le sable
Une employée pleure en silence. «Tout est saisi. On ne peut rien garder… On ne comprend pas cette décision. Même les gens de la plage publique apprécient et utilisent nos installations. On nettoie la grève tous les jours, on entretient les fonds marins.» A quelques pas de là, un serveur briefe un couple de clients: «On nous tue l’économie et l’image de la Côte d’Azur…» Pour Jean-Claude Vannini, le patron de Paloma Beach, la pilule passe mal: «Ce n’est pas correct de faire ça fin juin, avec des gens sous contrat, qui ne vont pas retrouver du travail si facilement. Les services de l’Etat n’avaient qu’à agir en début de saison, à un moment où on peut encore se retourner. » Car il y a onze personnes au chômage, dont trois jeunes filles à l’accueil, quatre plagistes et deux maîtres nageurs sauveteurs. Le responsable ne pensait pas à une telle issue, « en raison d’une expertise et d’une procédure en cours devant le juge administratif de Nice, pour savoir où on en est dans la délimitation du domaine public maritime». Il rajoute, dépité: «Lorsqu’il faut démolir des dalles ou des pontons sur le domaine public maritime, en pensant le rétrocéder au public, on se trompe, car les propriétaires privés vont rarement sur ces installations, mais ils payent des redevances, quant aux baigneurs, aux pêcheurs, ils ne peuvent plus venir. En fait, cette méthode ne profite à personne et ce n’est pas comme cela, qu’on va attirer les touristes. »