Antibes : avec son nouveau numéro, on le prend pour un dealer
«OP les 2 a 20€ legdemet60 € le g de blanc. » A moins d’être familier avec les arcanes du marché de la drogue, il y a peu de chance que ces abréviations vous parlent. Thibaud (1), lui non plus, n’en avait aucune notion jusqu’alors. Mais depuis que ce jeune Antibois a changé de numéro de téléphone, ce genre de message codé ne cesse de pleuvoir sur son petit écran. « Je suis rentré d’études à l’étranger. En mars 2017, j’ai pris un forfait Red chez SFR. Des numéros moins chers, qui sont sans doute redistribués. Depuis, je reçois des SMS quasiment tous les jours ! témoigne Thibaud. Parfois, je reçois aussi des appels, avec une voix de racaille. Quand je leur dis qu’ils font erreur, ils raccrochent. » Pour étayer ses dires, Thibaud nous transmet un florilège de SMS. Reçus de « vingtaines de numéros différents », qui changent régulièrement. La richesse du vocabulaire ne leur ouvrira pas les portes de l’Académie française, mais laisse peu de place au doute : pour Thibaud, le numéro qu’on lui a attribué baigne dans un trafic de stups. « “OP les 2”, je ne sais même pas ce que ça veut dire ! » Les «g» désignent-ils des grammes ? Le « blanc », la cocaïne ? Les «méta» , des methamphétamines ? Probable. Quel que soit le menu exact, ce n’est pas la came de Thibaud. L’Antibois n’apprécie guère d’être assimilé à un dealer, ou même à un client. « Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne me drogue pas, je ne sors même pas... Alors ça m’énerve un peu de voir ça. » Dire que sa vie est devenue un enfer serait exagéré. Mais à la longue, cette situation insolite s’avère lassante. Voire embarrassante. « Un jour, je suis en voiture avec mon Bluetooth. Je décroche et le type me parle direct de drogue... en présence de ma mère. Je lui ai tout expliqué, elle a été compréhensive. Mais c’était très gênant. » Alors, le printemps venu, Thibaud se résout à aller au commissariat pour faire cesser la mauvaise plaisanterie. Il explique son souci. Déception. « Ils m’ont répondu : “Ça ne nous intéresse pas”. Qu’ils ne demandent même pas d’infos, je trouve ça assez incroyable ! » Pas le bon moment, ni le bon interlocuteur ? Possible.
Appels malveillants
Consulté, un responsable de la direction départementale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes incite pourtant le jeune homme à retourner déposer plainte. «Ilpeut le faire à Antibes ou dans n’importe quel autre commissariat ou brigade de gendarmerie. Pour faire cesser ce trouble, il doit porter plainte pour des messages et appels malveillants. » Autre recours possible en pareil cas : adresser une lettre-plainte directement au parquet compétent. Celui de Grasse, en l’occurrence. « Le parquet appréciera les suites à donner à sa plainte et, le cas échéant, donnera les instructions nécessaires pour qu’une enquête soit diligentée. » Ensuite, reste à aviser l’opérateur téléphonique de cette mésaventure. Mais au fait, pourquoi Thibaud a-t-il attendu si longtemps ? Et pourquoi n’a-t-il pas changé de numéro ? L’Antibois l’a bien envisagé, ça aussi. « Mais il s’agit du réseau lowcost de SFR, il n’y a aucun service après-vente. Et il faut faire toutes les démarches pour changer... Je travaille sept jours sur sept, je n’ai pas trop le temps. » En attendant, Thibaud continue à composer avec son numéro vérolé. Et tente désespérément de dire « stop ». 1. Nous avons modifié son prénom afin de préserver son anonymat.