Migrants : un accord boiteux pour l’Union européenne
L’accord conclu ne résoud en rien la crise migratoire : aucun pays ne s’est déclaré volontaire pour ouvrir les centres d’accueil que les Vingt-Huit se sont accordés à créer
Les Européens sont loin d’avoir mis fin aux querelles sur les migrations avec leur accord conclu dans la douleur, hier à Bruxelles, qui soulève de nombreuses questions sur sa mise en pratique et de sévères critiques de la part d’ONG. Un nouveau drame survenu, hier, a rappelé les drames humains derrière ces tractations diplomatiques : trois bébés sont morts et une centaine de personnes sont portées disparues après le naufrage d’un canot pneumatique au large des côtes libyennes. Les pays d’Europe centrale, les plus hostiles à l’accueil de migrants, ont crié victoire à l’issue du sommet bruxellois en soulignant qu’il n’y avait aucune mesure d’accueil obligatoire dans le compromis des 28, que l’Italie avait menacé de bloquer faute d’engagements de solidarité de ses voisins face aux arrivées sur ses côtes. « L’Italie n’est plus seule », s’est réjoui le chef du gouvernement populiste italien Giuseppe Conte après les « conclusions » du sommet approuvées à l’unanimité à 4 h 30, au bout de neuf heures de tractations tendues. « C’est un accord pour construire, il ne règle en rien la crise que nous vivons », a admis le président français Emmanuel Macron, tandis que la chancelière allemande Angela Merkel a reconnu que
les Européens n’étaient «pas encore au bout du chemin ». « Il est beaucoup trop tôt pour parler d’un succès » pour l’Union européenne, a asséné de son côté le président du Conseil européen Donald Tusk hier. L’accord politique
était « en fait la partie la plus facile de la tâche, comparé à ce qui nous attend sur le terrain, quand nous commencerons à appliquer » les propositions, a-t-il admis.
Les ports italiens « fermés tout l’été »
L’annonce, dès hier par le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini (extrême droite) que les ports italiens seraient fermés « tout l’été » aux ONG secourant des migrants,
est venue illustrer les possibles difficultés qui s’annoncent. L’accord des Vingt-Huit propose notamment d’explorer une « nouvelle approche » controversée avec la création de « plateformes de débarquements » de migrants en dehors de l’UE pour dissuader les traversées de la Méditerranée, où les 28 ont appelé les
ONG à « ne pas entraver les opérations des garde-côtes libyens ». « Les seules composantes sur lesquelles les Etats européens semblent s’être mis d’accord sont, d’une part, le blocage des personnes aux portes de l’Europe [...] et d’autre part, la diabolisation » des ONG faisant du sauvetage en mer, a déploré la responsable des urgences pour MSF, Karline Kleijer. Pour les migrants secourus dans les eaux européennes, des « centres contrôlés » sont proposés dans le texte -- et non « fermés » comme le souhaitait la France --, que les Etats membres mettraient en place « sur une base volontaire ».
Orban satisfait
Une distinction y serait faite « rapidement » entre migrants irréguliers à expulser et demandeurs d’asile légitimes, qui pourraient être répartis dans l’UE, mais là aussi «sur une base volontaire ». « Il est clair que la relocalisation des migrants ne pourra pas s’effectuer sans l’accord préalable et le consentement des pays concernés », s’est félicité le Premier ministre hongrois Viktor Orban, estimant que « la Hongrie restera un pays hongrois et ne deviendra pas un pays de migrants ».
La question se pose désormais de la localisation des « centres contrôlés » évoqués dans le compromis européen. « Des pays ont dit leur disponibilité, pas l’Italie », a rappelé Giuseppe Conte, après que le chancelier autrichien Sebastian Kurz eut aussi exclu d’en avoir en Autriche. « La France n’est pas un pays de première arrivée, compte tenu de sa situation, et n’ouvrira pas de centres de ce type », a déclaré à son tour Emmanuel Macron.