Monaco-Matin

Un combat incessant pour la vie

- MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

La cérémonie a été à l’image de ce qu’elle était : digne, sans inutile mise en scène. Avec des photos, simplement, celles qui jalonnaien­t son existence, depuis son enfance niçoise jusqu’au sommet de la célébrité. Les Français l’aimaient puisque depuis des années, et même lorsqu’elle ne jouait plus de rôle politique, ils ont fait de Simone Veil leur personnali­té préférée. C’est que Simone Veil était à la fois la vie et la mort. La mort, puisque, pas encore sortie de son adolescenc­e, elle avait connu l’enfer des camps de concentrat­ion, l’odeur des chairs calcinées, l’entassemen­t des cadavres. Elle y avait vu mourir sa mère qu’elle adorait, tandis qu’elle ne savait pas ce qu’étaient devenus son père et frère, dont elle n’a appris que beaucoup plus tard qu’ils avaient été assassinés en Lituanie. Elle y avait appris l’indicible, l’abîme dans lequel peuvent tomber les hommes par fanatisme ou idéologie. Simone Veil et sa soeur ont survécu, échappant au typhus de justesse, décharnées, détruites, osant à peine raconter à ceux qu’elles ont retrouvés après la guerre l’horreur qu’elles avaient vécue. Et puis ce furent, en , la mort de cette même soeur et de son bébé, dans un accident de voiture; quelques années plus tard encore, en , la mort de son deuxième fils, Nicolas. Et enfin, en , son mari, Antoine, qu’elle avait épousé à  ans. Derrière le sourire lumineux qui était le sien, un destin tragique en réalité, dans lequel toute autre qu’elle se serait mille fois écroulée. Et puis, en même temps, Simone Veil, c’était la vie. Comme si son amour de la vie était d’autant plus grand qu’elle avait échappé à la mort. Elle aimait sa famille, mari, enfants, petitsenfa­nts, ses amis aussi, plus que les honneurs qui pourtant ne lui furent pas ménagés. Elle croyait à ce qu’elle faisait, et elle avait gardé l’espoir, malgré tout ce qu’elle avait subi, de rendre hommes et femmes meilleurs, mieux dans leur vie, mieux dans leur condition. Elle mettait dans ses combats une énergie intacte au service de ses conviction­s : celle de la réconcilia­tion franco allemande, qu’elle pensait nécessaire pour que plus jamais la guerre n’oppose ces deux pays, pour que plus jamais l’Europe ne connaisse ce qu’elle avait connu. Ou encore de la cause des femmes, avec la loi sur l’interrupti­on volontaire de grossesse, dont elle a été le symbole. De la barbarie à la modernité, Simone Veil a tracé sa voie. Celle qui l’a amenée hier au Panthéon.

« Un amour de la vie d’autant plus grand qu’elle avait échappé à la mort »

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