LE PRINCE RÉPOND AUX ATTAQUES
Le souverain a répondu hier aux enquêtes à charge du JDD et de Pièces à conviction et «déplore», dans le cadre de l’affaire Rybolovlev, «des présentations de Monaco visant à décrédibiliser ses Institutions».
Il ne pouvait rester de marbre face aux accusations et sa réaction était guettée. Le prince Albert II a finalement réagi hier soir, par voie de communiqué, aux enquêtes du JDD et de Pièces à conviction (France 3) parues la semaine dernière. «Au terme d’une semaine marquée par la mise en cause de la Principauté par certains articles de presse et émissions de télévision de médias français, le Palais Princier déplore des présentations de Monaco visant à décrédibiliser ses Institutions», peut-on lire en introduction. Deux enquêtes à charge pour les institutions monégasques et le souverain, dont le fil rouge n’était autre que la tentaculaire affaire Rybolovlev et les prétendues collusions entre l’oligarque russe et certains hauts dignitaires de la Principauté. De petits arrangements aux grandes conséquences qui auraient été destinés à favoriser le président de l’AS Monaco dans son conflit latent avec Yves Bouvier, marchand d’art suisse que le milliardaire russe accuse de lui avoir surfacturé des oeuvres d’art à hauteur d’un milliard d’euros.
« Un traitement juste et égal »
Bien ficelée et étayée sous la plume d’Hervé Gattegno, l’enquête du JDD apporte quelques éléments nouveaux, révélant notamment des notes signées du Ministre d’État, Serge Telle, à destination du souverain. Le journaliste exhumant aussi des propos sans équivoque de l’ancien procureur général Jacques Dorémieux à l’égard de l’ex-directeur des Services judiciaires Philippe Narmino, ou encore ceux d’un conseiller de gouvernement-ministre en exercice. Tous tenus devant le juge d’instruction, Édouard Levrault, presque présenté dans chacune des enquêtes comme le seul « incorruptible» des Institutions monégasques. Une ingérence dans les affaires du Rocher, et une tendance à l’amalgame, pas du tout du goût du prince Albert, qui «regrette la divulgation et l’exploitation partiale d’éléments relevant du secret de l’instruction, seul à même de garantir à tous les justiciables un traitement juste et égal». Dans un contexte quelque peu tendu entre Justice monégasque et magistrats français – ces derniers reprochant au nouveau directeur des Services Judiciaires, Laurent Anselmi, d’avoir voulu modifier les conditions de leur renouvellement –, le prince Albert, blessé, en appelle au calme et «réitère son attachement à l’indépendance de la Justice monégasque, constitutionnellement garantie, ainsi que sa confiance en son bon fonctionnement» « Il réaffirme sa volonté que celle-ci exerce toujours ses missions de manière sereine et impartiale». Un message qui ne manquera pas de résonner jusqu’à Paris où le sort des magistrats détachés est suivi de très près.
« Conformes aux standards »
Si la Principauté a ses propres codes, le prince réaffirme les fondements de sa souveraineté et «tient à rappeler avec force que la Principauté est un État de droit dont les actions sont conformes aux standards internationaux et reconnues par les organismes compétents.» En fond, une réponse à l’enquête de Pièces à conviction qui, dès son intitulé (Monaco: qui fait la loi sur le Rocher?), remettait en cause la poigne du souverain. Une émission qui, bien que romancée et saupoudrée de caricatures du Rocher et de ses habitants, semble avoir dérangé plus sur la forme que sur le fond au Palais. En cause, les témoignages à charge de témoins à la réputation sulfureuse. A commencer par Robert Eringer, «l’agent secret» aux multiples condamnations pour diffamation, ou Christian Carpinelli, commissaire à la retraite, lui aussi dans le viseur de la justice. Au passage, le prince Albert réexprime d’ailleurs « sa confiance en la Police de la Principauté et en ses personnels ainsi qu’en la loyauté de l’Administration monégasque.» Pascal Henry, auteur de l’enquête pour France Télévisions, avouant quand même avoir bénéficié de quelques «fixeurs» de l’ombre, influents sur le Rocher. «Des personnes soucieuses du devenir de Monaco, de son image et de sa prospérité. » Sans toutefois dévoiler l’identité de la seule personne remerciée au générique de l’émission, un certain «M. Roquebrune». Insignifiant mystère dans une affaire Rybolovlev dont on oublie de plus en plus le point de départ: une simple poignée de mains entre deux hommes avides de pouvoir.