Tourisme : quelle manne moyen-orientale cet été ?
Si les plus grands princes saoudiens ne sont pas venus, la clientèle moyen-orientale comprend davantage de Qataris, chouchoutés par les hôtels de la Croisette liés financièrement à Doha
L’âge d’or de la fabuleuse manne estivale des Saoudiens à Cannes n’est plus ce qu’il était. En août 2015, un millier de ces ressortissants investissait la baie cannoise dans le sillage du roi Salmane d’Arabie Saoudite, dépenses somptuaires à la clef. Mais cet été, « les grands princes ne sont pas là », explique Michel Chevillon, du syndicat des hôteliers cannois, qui tempère toutefois : « Pas de délégations institutionnelles ni de têtes couronnées. Mais on a la jeunesse dorée, haut de gamme, liée aux affaires, mais ce ne sont pas ceux qui dépensent le plus. »
Riyad vs Doha ?
Mêmes échos du côté des restaurateurs habitués à accueillir cette clientèle ultrafortunée: « Les pays du Golfe sont là, mais il y a moins de princes saoudiens », indique Alain Lahouti, président de l’Association des restaurateurs cannois. Ce retrait touristique saoudien tient à plusieurs facteurs, essentiellement politiques. Notamment la crise diplomatique débutée en juin 2017 entre Émirats et Arabie d’un côté et Qatar accusé de soutien au terrorisme de l’autre. L’hiver dernier, Riyad a procédé en interne à l’arrestation de dizaines de princes, ministres et hommes d’affaires dans des opérations anticorruption. Résultat : en 2017, les Saoudiens avaient dépensé près de 20,8 milliards de dollars à l’étranger, soit une baisse de 20 % par rapport à 2016. Cannes semble ne pas échapper au phénomène de repli. D’autant que deux des trois plus prestigieux hôtels de la Croisette (Martinez et Carlton) appartiennent à des groupes qataris.
Ristournes et privilèges
Alors, Doha vs Riyad sur fond de Cité des festivals? « Il y a cinq ans, il y avait beaucoup plus de Saoudiens que de Qatari, aujourd’hui, c’est l’inverse», note un réceptionniste d’hôtel. Il faut dire qu’ils sont chouchoutés, les touristes qataris ! «Ils ont de grosses ristournes au niveau des tarifs des chambres. Les employés ont même des consignes de les privilégier dans leurs places au bar ou à la plage», glisse Ange Romiti, délégué du personnel au Carlton et secrétaire CGT du syndicat Hôtels Cafés Restaurants. Selon lui, la clientèle d’août est à 80 % qatarie. Et à la carte du room-service, «le petit-déjeuner qatari » affiche clairement sa cible commerciale. «Cela pose un problème, poursuit le syndicaliste. Peuton écarter la clientèle d’Arabie Saoudite ? Le Carlton n’est pas l’ambassade du Qatar ! ».
Longs séjours
Une chose est sûre : ces touristes du Moyen-Orient sont convoités dans Cannes. «Ils sont fidèles, restent sur de longs séjours, font venir leurs voitures de luxe par avion », confirme Régis Faure, directeur du tourisme. Il faut savoir satisfaire cette clientèle exigeante qui navigue entre Monaco et Saint-Tropez mais aime séjourner à Cannes. Par exemple, cette année, le Majestic Barrière innove avec un service barbier « qui marche bien auprès des Moyen-Orientaux très présents cet été, mais il y a aussi des Américains et des Européens », selon la communication de l’hôtel. La fin des vacances approche. Traditionnellement, dès les fêtes de l’Aïd-el-Kébir, les MoyenOrientaux rentrent au pays.