Cannabinoïdes médicaux : où en est-on ? Actu
L’utilisation de ce type de traitement semble donner de bons résultats pour soigner des douleurs particulières : les douleurs neuropathiques réfractaires d’origine centrale
Ces dernières années, on a vu les partisans et les opposants à l’utilisation du cannabis médical s’affronter. S’ajoute à la complexité du sujet, le risque d’amalgame avec un tout autre débat, celui de la légalisation du cannabis, qui n’a rien à voir avec ce qui nous intéresse ici. Bref, les choses sont particulièrement complexes parce les questions de santé et de justice s’emmêlent avec certaines idées reçues et croyances plus ou moins fondées. Le Dr Fadel Maamar, responsable de la consultation douleur du centre hospitalier de Fréjus-Saint-Raphaël, utilise depuis 2014 le Dronabinol (Marinol®), un cannabinoïde médical, qui bénéficie d’une ATUn (Autorisation temporaire d’utilisation nominative). S’il a constaté les effets bénéfiques de la substance, il tient un discours prudent.
patients à Fréjus
« Depuis 2014, nous avons suivi 26 patients au CH Fréjus-Saint-Raphaël, traités avec du Marinol®. Ils ont noté une nette amélioration de leurs douleurs. Attention toutefois, il s’agit de douleurs bien spécifiques : des douleurs neuropathiques avec spasticité prépondérante [des douleurs importantes avec des contractions réflexes des muscles, ndlr] pour lesquels les traitements traditionnels ont échoué. » Le professionnel insiste donc sur l’impérieuse nécessité de bien cibler l’indication. Le Dr Sarah Lejczak (CHRU Nancy), qui a consacré une thèse aux cannabinoïdes médicaux, complète : « En France, les indications sont restreintes aux douleurs neuropathiques réfractaires d’origine centrale alors que dans d’autres pays la liste est plus large.» Et elle insiste : « La prescription de cannabinoïdes médicaux doit être très encadrée. D’une part, elle doit être destinée au traitement d’une indication très précise (ici la spasticité douloureuse) et le patient doit être suivi dans une structure particulière.» Il n’est pas envisageable de laisser les praticiens et les malades gérer seuls ce type de médicaments. « Les demandes d’ATUn (autorisation temporaire d’utilisation nominative) ne peuvent être formulées en théorie que par des praticiens à l’hôpital qui exercent dans des centres d’étude et de traitement de la douleur », indique le Dr Lejczak.
Pas de conduite automobile
Le Marinol®, s’il a nettement amélioré la qualité de vie de ceux qui en ont bénéficié, s’accompagne parfois de désagréments. Ainsi, ceux qui sont sous traitement ne peuvent pas conduire : en cas de contrôle, ils seraient positifs aux stupéfiants. Ainsi deux patients du centre hospitalier fréjusien ont préféré renoncer à ce traitement parce qu’ils ne pouvaient pas s’abstenir de conduire. Toutefois le Dr Lejczak soulève un paradoxe : « Des milliers de patients roulent sous neuroleptiques voire morphiniques. Or eux aussi peuvent potentiellement représenter un danger. » Et de remarquer : « Aux Etats-Unis, il y a moins de morts par overdose de morphiniques dans les États qui ont autorisé les cannabinoïdes médicaux. De plus, une boîte de Marinol® contient 60 capsules, son ingestion intégrale n’est pas létale, contrairement à une boîte de morphiniques.» Quant à la question de l’accoutumance, les médecins confessent n’avoir pas le recul suffisant. Mais ils ne manquent pas de souligner que l’accoutumance concerne déjà un certain nombre de médicaments au premier rang desquels les opioïdes quels qu’ils soient (type tramadol, codéine, oxycodone, morphine et surtout les fentanyl transmuqueux). Tout l’enjeu reste donc de bien replacer le sujet sous le prisme de la santé. (Photos DR/Unsplash)