Monaco-Matin

L’ex-aide à domicile réclame   euros d’indemnités

Elle a travaillé deux mois pour une octogénair­e, aujourd’hui décédée. Elle estime ne pas avoir été licenciée officielle­ment et assigne la fille, une retraitée de devant les Prud’hommes

- MATHILDE TRANOY mtranoy@nicematin.fr

C’est une situation ubuesque qui lui ôte le sommeil depuis plus de 2 ans. Un imbroglio administra­tif qui va conduire une retraitée de SaintLaure­nt-du-Var devant le conseil des Prud’hommes de Nice où lui est réclamée la somme astronomiq­ue de 535 000 euros pour un document que sa mère, aujourd’hui décédée, n’aurait pas envoyé. En mars 2016, la maman de Jenny Cacan, âgée de 88 ans, a recours aux services de Béatrice, une aide à domicile de 56 ans, qui habite le même immeuble qu’elle, à Nice. Ménage, préparatio­n des repas, couché, soit 56 heures par mois, payés 560 euros via les chèques emploi service universel (CESU).

« Nul n’est censé ignorer la loi »

Le 30 avril, à la suite d’une chute, l’octogénair­e est hospitalis­ée. « J’ai contacté cette dame pour lui indiquer qu’elle n’aurait pas à s’occuper de ma mère le temps de son hospitalis­ation. Que nous la recontacte­rions quand elle sortirait ». Finalement, l’octogénair­e est diagnostiq­uée Alzheimer et intègre la Villa des Collettes, un EHPAD (établissem­ent d’hébergemen­t pour personnes âgées dépendante­s) de Cagnes-surMer. Jenny Cacan téléphone à Béatrice pour l’en informer. Le 31 mai, la maman de Jenny reçoit, à la maison de retraite, une lettre manuscrite de son ancienne voisine et aide à domicile qui sollicite le versement de son salaire du mois de mai, des indemnités de licencieme­nt, un certificat de travail et une attestatio­n Assedic. Jenny tombe des nues. Elle se renseigne auprès de l’inspection du travail. « On m’a demandé avezvous fait un contrat de travail en CDD? Non. Alors c’est automatiqu­ement un CDI. Ce que j’ignorais. Mais nul n’est censé ignorait la loi, reconnaît-elle . En cas de rupture du contrat il faut verser des indemnités de licencieme­nt, qui s’élevaient à 140 euros. Je lui ai envoyé un chèque et une lettre de licencieme­nt. Mais pas les 560 euros du mois de mai puisqu’elle n’avait pas travaillé » explique la professeur­e de chimie à la retraite. Suivront les 7 et 30 juin une lettre manuscrite puis une mise en demeure dactylogra­phiée, adressées à la maison de retraite, dans lesquelles l’auxiliaire de vie exige une nouvelle fois le salaire de mai et une lettre de licencieme­nt écrite de sa main. Pôle Emploi aurait refusé de l’enregistre­r comme demandeur d’emploi « car le signataire de la lettre de licencieme­nt n’est pas l’employeur ». Convoquée devant le conseil des Prud’hommes de Nice le 27 février 2017, l’octogénair­e, représenté­e par un avocat, est condamnée à verser les 560 euros du mois de mai.

« Ça l’a mise dans un de ces états »

« Nous avons payé. Quant à l’attestatio­n Assedic, l’inspection du travail m’a assuré qu’elle était valable, même si elle était signée de ma main, et qu’elle n’en délivrerai­t donc pas d’autres » affirme Jenny. Le 8 avril un courrier de la cour d’appel d’Aix-en-Provence l’informe que l’aide à domicile a attaqué la décision rendue à Nice et réclame 12 000 euros, « pour les salaires échus et à titre de provision », de frais d’avocat et de dommages et intérêts. « Vous vous rendez compte, envoyer des courriers (Photo M. T.) comme ça à une personne âgée, vulnérable, s’indigne Jenny Cacan. Ça l’a mise dans un de ces états. A son âge, être poursuivie en justice. Ça l’a beaucoup atteinte. Surtout de la part d’une voisine qu’elle estimait et qui, je trouve, s’occupait bien d’elle ». L’octogénair­e n’ira pas à la cour d’appel. Le 4 juillet, elle décède à Cagnes-surMer. Leur avocat classe le dossier. L’employeure, décédée, ne peut plus être poursuivie. Jenny pense en avoir fini avec cette affaire. Mais un an après, quelle n’est pas sa surprise de recevoir une convocatio­n devant le conseil des Prud’hommes de Nice pour le 10 octobre. L’auxiliaire de vie réclame à Jenny, en sa qualité d’héritière, 535 000 euros, soit 600 euros par jour d’astreinte entre le 1er mai 2016 et aujourd’hui, outre des frais d’avocat et des dommages et intérêts pour ne pas avoir délivré le document administra­tif demandé.

« Il faut prendre ses responsabi­lités »

« Un document qu’on ne pourra jamais lui donner car son employeure est décédée, argumente Jenny qui ne cache pas sa colère et son désespoir. Elle a travaillé deux mois pour ma mère. Je n’arrive pas à en sortir. C’est l’imbroglio total. Je n’en dors plus ». « Il faut prendre ses responsabi­lités, répond avec fermeté Me Emilie Farrugia, l’avocate de l’aide à domicile jointe par téléphone. Elle n’a jamais donné le certificat de travail du temps de sa mère, elle a fait un document à sa place alors que celle-ci n’était pas sous tutelle. Ma cliente n’a pas pu être indemnisée par Pôle Emploi ».

 ??  ?? Jenny Cacan sera-t-elle punie pour ne pas avoir adressé le bon document à l’aide à domicile de sa maman?
Jenny Cacan sera-t-elle punie pour ne pas avoir adressé le bon document à l’aide à domicile de sa maman?

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