Monaco-Matin

Dans les pharmacies, la science des champignon­s

En pleine saison des cèpes ou des sanguins, vous pouvez trouver une aide précieuse auprès des pharmacien­s, afin de faire le tri entre spécimens propres à la consommati­on ou toxiques

- NICOLAS HASSON-FAURÉ nhasson@nicematin.fr

Un homme passe le pas de la porte de la pharmacie Otto, place Saint-Roch à Menton. Il se dirige vers le comptoir, pour faire examiner des champignon­s ramenés d’une sortie en forêt. Et sort « une amanite phalloïde », restitue Pascal Olivry, pharmacien adjoint dans l’officine mentonnais­e, en poste ce jour-là. « La personne voulait le manger. J’ai dû insister. Je lui ai dit : si vous le mangez, vous êtes mort demain ». C’était il y a deux ans. L’anecdote, qui met en lumière une partie du travail de pharmacien particuliè­rement d’actualité en cette saison des champignon­s, et alors que quinze personnes ont été intoxiquée­s par un bolet Satan, fin septembre au col de Braus. Ces profession­nels de la santé peuvent vous aider à faire la différence entre un champignon comestible et toxique, entre une omelette réussie et une nuit à l’hôpital. Voire pire.

La santé et le goût

En France, un millier d’intoxicati­ons sont dues à des champignon­s chaque année, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail (Anses). Pascal Olivry, le pharmacien de Menton, n’a été confronté qu’une seule fois à une amanite phalloïde au cours d’une carrière de presque trente ans. « Souvent, les gens ont une idée (N.D.L.R. : de ce qui est comestible ou pas) et viennent pour avoir une confirmati­on », relève-t-il. C’est là que sa science des champignon­s entre en jeu. Un savoir acquis à la faculté de pharmacie, et peaufiné au fil des cueillette­s, lui qui est « toujours allé chercher des champignon­s ». Et même si « à la base, le pharmacien est là pour trier ce qui est toxique », il peut aussi pointer du doigt les champignon­s qui n’ont pas « d’intérêt gustatif ». Reste qu’ils sont de moins en moins nombreux à mettre à profit ses connaissan­ces : l’an dernier, il a été consulté « une ou deux fois », contre « plusieurs fois par semaine » il y a dix ans. Cette tendance, Jérôme Caujolle ne la constate pas. Dans sa Pharmacie du Pont Vieux à Sospel, il est sollicité « deux à trois fois par semaine ». Il faut dire que «les coins à champignon­s sont à

quinze minutes » de son officine. « Les gens ont encore le réflexe » de venir à la pharmacie, tranche-t-il. Et c’est bien. Il met d’ailleurs en garde les cueilleurs contre certains groupes Facebook, par exemple, qui proposent d’aider à « identifier » des champignon­s. Or, «on ne peut pas faire une bonne reconnaiss­ance avec une photo », dit-il, notamment car l’odeur n’est pas là. Et les confusions sont toujours possibles. « Le mois dernier, des gens ont amené des bolets Satan, ils pensaient que c’étaient des cèpes », restitue Jérôme Caujolle. Ce champignon peut notamment être à l’origine de troubles digestifs.

Une question de responsabi­lité

Autant dire qu’à chaque fois qu’ils se prononcent, les pharmacien­s engagent leur responsabi­lité. « C’est un moment où je sais qu’il va falloir que je sois concentré et disponible, indique Xavier Durif, qui officie à la Pharmacie de la Roya de Breilsur-Roya. Je quitte le comptoir et je vais derrière, c’est un moment de conseil qui demande de la réflexion et du calme ». Il pense effectuer « une quinzaine, voire une vingtaine de reconnaiss­ances » en cette saison des champignon­s. Toujours avec la même idée en tête : c’est le principe de précaution qui prévaut. « Si je ne connais pas un champignon, je dis : “Jetezle ” », explique le pharmacien. Il conclut en livrant un conseil qui résume bien l’attitude à adopter, en rentrant d’une cueillette avec un panier plein : « Quand on ne sait pas, on ne mange pas ».

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(Photos archives Nice-Matin) Le ministère de la Santé recommande de faire contrôler sa récolte par un pharmacien ou une société de mycologie.

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