Dans les pharmacies, la science des champignons
En pleine saison des cèpes ou des sanguins, vous pouvez trouver une aide précieuse auprès des pharmaciens, afin de faire le tri entre spécimens propres à la consommation ou toxiques
Un homme passe le pas de la porte de la pharmacie Otto, place Saint-Roch à Menton. Il se dirige vers le comptoir, pour faire examiner des champignons ramenés d’une sortie en forêt. Et sort « une amanite phalloïde », restitue Pascal Olivry, pharmacien adjoint dans l’officine mentonnaise, en poste ce jour-là. « La personne voulait le manger. J’ai dû insister. Je lui ai dit : si vous le mangez, vous êtes mort demain ». C’était il y a deux ans. L’anecdote, qui met en lumière une partie du travail de pharmacien particulièrement d’actualité en cette saison des champignons, et alors que quinze personnes ont été intoxiquées par un bolet Satan, fin septembre au col de Braus. Ces professionnels de la santé peuvent vous aider à faire la différence entre un champignon comestible et toxique, entre une omelette réussie et une nuit à l’hôpital. Voire pire.
La santé et le goût
En France, un millier d’intoxications sont dues à des champignons chaque année, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Pascal Olivry, le pharmacien de Menton, n’a été confronté qu’une seule fois à une amanite phalloïde au cours d’une carrière de presque trente ans. « Souvent, les gens ont une idée (N.D.L.R. : de ce qui est comestible ou pas) et viennent pour avoir une confirmation », relève-t-il. C’est là que sa science des champignons entre en jeu. Un savoir acquis à la faculté de pharmacie, et peaufiné au fil des cueillettes, lui qui est « toujours allé chercher des champignons ». Et même si « à la base, le pharmacien est là pour trier ce qui est toxique », il peut aussi pointer du doigt les champignons qui n’ont pas « d’intérêt gustatif ». Reste qu’ils sont de moins en moins nombreux à mettre à profit ses connaissances : l’an dernier, il a été consulté « une ou deux fois », contre « plusieurs fois par semaine » il y a dix ans. Cette tendance, Jérôme Caujolle ne la constate pas. Dans sa Pharmacie du Pont Vieux à Sospel, il est sollicité « deux à trois fois par semaine ». Il faut dire que «les coins à champignons sont à
quinze minutes » de son officine. « Les gens ont encore le réflexe » de venir à la pharmacie, tranche-t-il. Et c’est bien. Il met d’ailleurs en garde les cueilleurs contre certains groupes Facebook, par exemple, qui proposent d’aider à « identifier » des champignons. Or, «on ne peut pas faire une bonne reconnaissance avec une photo », dit-il, notamment car l’odeur n’est pas là. Et les confusions sont toujours possibles. « Le mois dernier, des gens ont amené des bolets Satan, ils pensaient que c’étaient des cèpes », restitue Jérôme Caujolle. Ce champignon peut notamment être à l’origine de troubles digestifs.
Une question de responsabilité
Autant dire qu’à chaque fois qu’ils se prononcent, les pharmaciens engagent leur responsabilité. « C’est un moment où je sais qu’il va falloir que je sois concentré et disponible, indique Xavier Durif, qui officie à la Pharmacie de la Roya de Breilsur-Roya. Je quitte le comptoir et je vais derrière, c’est un moment de conseil qui demande de la réflexion et du calme ». Il pense effectuer « une quinzaine, voire une vingtaine de reconnaissances » en cette saison des champignons. Toujours avec la même idée en tête : c’est le principe de précaution qui prévaut. « Si je ne connais pas un champignon, je dis : “Jetezle ” », explique le pharmacien. Il conclut en livrant un conseil qui résume bien l’attitude à adopter, en rentrant d’une cueillette avec un panier plein : « Quand on ne sait pas, on ne mange pas ».