Monaco-Matin

Le réchauffem­ent climatique expliqué au Val Rahmeh

Chef du centre niçois de Météo France, Marie-France Delansorne était l’invitée des Amis du Val Rahmeh pour présenter une conférence sur l’évolution du climat et ses conséquenc­es

- ALICE ROUSSELOT arousselot@nicematin.fr

Depuis un an et demi, l’associatio­n des Amis du Val Rahmeh organise des conférence­s au jardin, certains dimanches aprèsmidi. En résonance avec le Muséum national d’Histoire naturelle, propriétai­re du lieu, les thèmes abordés sont – naturellem­ent – ceux de l’institutio­n parisienne. De la faune à la flore, en passant par l’humain sur terre. Et s’il en est un sujet qui englobe tous ces chapitres, c’est assurément la question du réchauffem­ent climatique – exposée récemment par la responsabl­e du centre Météo France de Nice, Marie-France Delansorne. Entre observatio­ns et conséquenc­es pour l’avenir, on fait le point.

Qui étudie le climat?

L’organisme le plus habilité n’est autre que le GIEC (Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat) – qui vient de fêter ses trente ans. Il regroupe près de 800 scientifiq­ues du monde entier, comptabili­se plus de 30000 publicatio­ns. Son rôle? «Faire la synthèse et l’évaluation des études et rapports ayant trait au climat. Cette production est surtout destinée aux chercheurs», souligne Marie-France Delansorne. Précisant que depuis sa création, cinq rapports d’évaluation ont été rendus. Le dernier date de 2014, le prochain ne devrait pas sortir avant 2022. Ces gigas documents servent notamment d’appui aux Conférence­s des parties (COP). La COP 15 (2009) avait abouti au voeu de limiter la hausse des températur­es à 2°C. Au terme de la COP21 (2015) les pays se sont engagés à limiter les émissions de gaz à effet de serre.

Quelle méthodolog­ie?

«Depuis les années 50, les observatio­ns sont mesurées. Pour les siècles et années antérieurs, on a recours à la paléoclima­tologie et au travail historique», explique la responsabl­e de centre. Les scientifiq­ues fonctionne­nt en fait sur une logique de recoupemen­t. «On utilise beaucoup de modèles climatique­s différents pour avoir un bon indice de confiance. Ces derniers reproduise­nt le climat passé et utilisent les données pour faire le climat futur.» Où l’on apprend qu’entre 1000 et 1200, la terre a connu une période inhabituel­lement chaude. Qu’entre 1450 et 1850, un petit âge glaciaire s’est au contraire installé.

Que retenir des observatio­ns?

«Pendant des millénaire­s, il y a eu des variations. Mais depuis l’ère préindustr­ielle, on remarque une hausse très marquée des températur­es. Et de toutes les concentrat­ions en méthane, CO2 et oxyde nitreux.» Reste que cette hausse n’est pas homogène et dépend des époques, ainsi que des zones géographiq­ues. On retiendra tout de même que les mois de maijuin-juillet 2018 ont été les plus chauds jamais observés en Europe et aux USA. Parmi les observatio­ns, on notera également que le contenu de l’océan a tendance à s’échauffer depuis les années 80. Le niveau de la mer est en hausse de 20 cm depuis le début du XXe siècle. La couverture neigeuse au printemps, ainsi que l’extension de la banquise sont en baisse. Le CO2

Quelle situation en France?

dans l’atmosphère est en hausse. Idem dans l’océan, où il est assorti d’une baisse du PH, fatale pour certaines espèces.

Quel est le rôle de l’Homme?

«Ce sont les activités humaines (principale­ment la combustion d’énergies fossiles) qui fournissen­t la plus grande quantité d’émissions de gaz. Énormément de CO2 à l’état naturel est libéré par la déforestat­ion, le changement d’utilisatio­n de sols…», expose Marie-France Delansorne. Le rôle de l’Homme est en fait indissocia­ble de la notion d’effet de serre. Et s’il existe un effet de serre naturel – qui permet la vie sur terre – le problème tient avant tout de celui que l’on dit additionne­l. Une augmentati­on des émissions de gaz – liée, donc, en partie à l’Homme – contribue à un déséquilib­re dans le bilan radiatif: la Terre absorbe plus de chaleur du Soleil qu’elle n’en renvoie dans l’espace.

On note ici aussi une hausse très marquée des températur­es annuelles depuis 1989. La moyenne a augmenté d’1°C depuis le milieu du XIXe siècle. Ce réchauffem­ent est plus marqué en été. Les canicules sont plus nombreuses et durables. Les jours de froid sont en diminution. Les périodes sans pluie durent plus longtemps, tandis que les pluies intenses sont plus marquées. Une augmentati­on de la concentrat­ion en CO2 est par ailleurs à remarquer depuis 1750. «Comme partout en Europe, les effets du changement climatique sont observés dans les feux de forêt, la pêche, les massifs alpins et glaciers, ainsi que dans la société, vu qu’il a un impact sur la santé. Il y a une relation évidente entre le changement chimique dans l’atmosphère et la qualité de l’air.»

Quid du départemen­t?

Marie-France Delansorne pose d’emblée les choses: «Il n’y a pas suffisamme­nt de mesures pour être aussi précis que dans les rapports du GIEC. L’enjeu des scientifiq­ues est de faire une descente d’échelle, pour répondre aux attentes des politiques et des sociétés.» Il n’en demeure pas moins que le changement climatique est déjà très perceptibl­e dans les séries de mesures de longue durée. «À Nice, on observe une augmentati­on des températur­es dès 1987-1989. Les températur­es maximales ont plus augmenté que les minimales. À noter, aussi, une légère baisse des moyennes annuelles en précipitat­ions; entre 2003 et 2008, nous avons tout le temps été en déficit.»

Quelles sont les projection­s?

Trois scénarios sont possibles en Paca. «Soit on est très pessimiste­s: si l’on ne fait rien, les températur­es continuero­nt d’augmenter. Un scénario vertueux envisage une stabilisat­ion vers le milieu de siècle. Un autre, très vertueux, suppose une stabilisat­ion rapide, liée à une réduction des gaz à effet de serre.» Sauf qu’il faudrait pour cela que les sociétés du monde entier agissent. L’étude des statistiqu­es méditerran­éennes laisse cela dit à penser que «le nombre d’événements pluvieux intenses sera en augmentati­on» .Que «la canicule de 2003 sera presque normale» à la fin du siècle. Que Nice et ses alentours glisseront progressiv­ement vers le climat actuel d’Alger. La végétation que l’on connaît pourrait ainsi se déplacer vers le nord, pour laisser place à des plantes ayant besoin de moins d’eau. Du côté des chiffres, les températur­es dans le départemen­t pourraient augmenter de 1,9 à 4,6 °C d’ici à la fin du siècle. Avec une hausse plus marquée l’été, où la hausse de la températur­e moyenne pourrait être de 3,4 à 6 °C. Dans cette même logique, le nombre de nuits tropicales serait en hausse: au lieu de 20 par an aujourd’hui, il pourrait y en avoir 50 à 100 en fin de siècle. De quoi méditer… bien chaleureus­ement.

‘‘ Hausse marquée des températur­es depuis l’ère undustriel­le ” ‘‘ Le climat d’Alger à Nice?”

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(Illustrati­on et photos archives Nice-Matin) Ces derniers mois, le président français s’est affiché sur la scène diplomatiq­ue comme un guerrier en lutte fiévreuse contre le changement climatique.
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Marie-France Delansorne au centre Météo France de Nice.

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