Un baron de la drogue libéré avec ses lieutenants
En détention provisoire depuis deux ans, un narcotrafiquant et ses associés viennent d’être remis en liberté. Au grand dam des enquêteurs de la police judiciaire
Considéré comme l’un des barons de la drogue azuréen, le Niçois Christophe D., 37 ans, vient d’être libéré de prison, tout comme ses lieutenants. Les avocats de la défense (Mes Jean-Denis Flori, Audrey Vazzana, Marie Seguin et Béatrice Eyrignoux) ont demandé et obtenu l’élargissement de leurs clients après deux ans de détention provisoire. Ils restent mis en examen pour trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment.
Risque de fuite à l’étranger
La date du procès en correctionnelle, qui devrait durer au moins deux semaines, n’est toujours pas fixée mais n’interviendra sans doute pas avant la fin 2019. La décision de la chambre de l’instruction d’Aix-en-Provence résonne comme un camouflet pour le magistrat instructeur qui a vainement tenté d’obtenir un délai supplémentaire. Délai qui pouvait se justifier à la fois par le risque de fuite à l’étranger des suspects et la nécessité de nouvelles investigations. En effet, la police judiciaire de Nice a pu, avant l’été, décrypter des téléphones réputés jusqu’ici inviolables. Mais les arguments du juge d’instruction niçois n’ont pas convaincu ses pairs qui ont estimé que l’enquête, malgré ses lacunes, était bouclée. En l’absence de deux raisons cumulatives, on ne pouvait, juridiquement, garder en prison plus de deux ans des hommes présumés innocents tant qu’ils ne sont pas condamnés par le tribunal correctionnel. Chez les enquêteurs qui avaient travaillé un an avant de monter leur opération, cette décision judiciaire est très mal vécue. Même si pour Me Jean-Denis Flori, « les magistrats de la Cour d’appel n’ont fait qu’appliquer le droit ».
Plusieurs tonnes importées
La quantité de drogue importée (plusieurs tonnes) et les 500000 euros de fonds de roulement de cette entreprise prospère attestaient d’un business hors norme. Généralement, vu l’ampleur du trafic, l’information judiciaire est ouverte à la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille. Pour d’obscures raisons, ce ne fut pas le cas dans ce dossier. L’autre solution était de mettre en examen ces trafiquants pour des faits criminels qui relèvent de la cour d’assises. La détention provisoire des suspects peut alors durer quatre ans. Mais cette option n’est jamais retenue à Nice qui préfère laisser des magistrats professionnels juger les trafiquants internationaux de (DR) drogue. Christophe D., très apprécié dans son quartier et dans le milieu du triathlon, avait déjà été condamné à quatre reprises pour trafic de stupéfiants dont la dernière fois en 2007 à une peine de huit ans d’emprisonnement. Lors de son procès, il avait été désigné comme le grossiste niçois d’un vaste réseau mené par Ahmed Kellouch, en fuite. Selon les enquêteurs, il avait immédiatement repris ses activités dès sa sortie de prison en 2011. Son train de vie, ses investissements dans plusieurs établissements de nuit, avaient d’abord éveillé la curiosité des policiers spécialisés dans les enquêtes financières. Les investigations avaient débouché sur l’arrestation de onze personnes. Près de 600 kg de cannabis, 8 kg de cocaïne, une Lamborghini, 500 000 euros en liquide ainsi qu’une quinzaine de pistolets automatiques et armes de guerre avaient été découverts lors des perquisitions effectuées en novembre 2016 dans des appartements et des garages de Nice-Nord.