Monaco-Matin

Frappé au visage il ne demande rien en justice

- JEAN-MARIE FIORUCCI

La justice monégasque ne plaisante pas avec la violence. En témoigne cette altercatio­n musclée évoquée devant le tribunal correction­nel. Un ressortiss­ant britanniqu­e, résident en Principaut­é, a comparu pour avoir cogné, le 10 février dernier, sans véritable raison apparente, un jeune Italien au cours d’une soirée arrosée. Le fautif, gérant de société, a été condamné à 3000 euros d’amende. Quant au plaignant, malgré son nez cassé et six jours d’ITT, il n’a réclamé aucune somme d’argent. Cela peut paraître étrange de ne pas solliciter la moindre compensati­on financière, en échange du préjudice subi ! D’ailleurs, pendant toute la durée des débats, prévenu et victime s’exprimeron­t de manière sibylline sur les raisons et conséquenc­es du différend. Jusqu’à s’épauler mutuelleme­nt !

« Ce provocateu­r m’a fait une béquille »

Les magistrats ne manqueront pas de souligner cette particular­ité singulière au cours de la phase d’instructio­n et des réquisitio­ns. D’autant que la victime assure au président Florestan Bellinzona « n’avoir jamais adressé la parole ni provoqué son adversaire». « Alors quelle est la cause du coup de poing?», essaie de déterminer précisémen­t (Illustrati­on C. D.) le magistrat. «Je pense que ce quinquagén­aire, avance le plaignant, a perçu ma conversati­on avec son ami comme une dispute. Rien d’agressif cependant : notre bavardage portait simplement sur la manière de jouer au football… À un moment, ce provocateu­r m’a fait une béquille. J’ai été déséquilib­ré et prêt à me défendre. Peut-être a-t-il pris mon geste pour une envie d’en découdre…» Le prévenu n’est pas très éloquent. Il prétend que tout s’est passé rapidement. « Quand cet Italien s’est retourné avec ses poings sur la défensive, je me suis senti menacé et je l’ai frappé. Cela ne m’arrive jamais…»

« C’est un acte gratuit »

Dans ses réquisitio­ns, le premier substitut, Olivier Zamphiroff, doute de la vérité des énonciatio­ns. «J’ai le sentiment d’être l’invité que l’on n’a pas convié à cette réunion! On n’arrive pas à comprendre les méandres des antagonist­es. Surtout quand la partie civile nous parle “des vertus du dialogue qui ont permis de mieux nous comprendre”. C’est un acte gratuit où on essaie d’amortir les responsabi­lités et les conséquenc­es. Dans ce genre de dossier, vous condamnere­z le prévenu à de la prison avec sursis avec un quantum approprié.» C’est une simple histoire de point de vue sur la manière de jouer au ballon rond, avec le langage exubérant des Transalpin­s, plaide la défense.

« Aujourd’hui, ils se voient régulièrem­ent »

«L’alcoolémie de mon client, avec un taux de 0,45 mg/l, n’a rien de considérab­le, estime Me Thomas Brezzo. Son geste correspond à une réaction de défense qu’il n’explique pas. Pourtant, s’il a cassé le nez de la victime, il n’avait aucune volonté de lui faire du mal. Il s’agit d’un problème de perception… D’une différence de point de vue de ces personnes. Aujourd’hui, elles se voient régulièrem­ent et le prévenu a indemnisé le plaignant du préjudice subi. N’allez pas plus loin qu’une amende. » Le tribunal s’en tiendra à une somme de 3 000 euros. La citation de Victor Hugo, «Ami est quelquefoi­s un mot vide de sens, ennemi, jamais», mentionnée dans son recueil de poèmes posthumes Océan, avait tout son sens dans ce dossier…

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Les deux prévenus se verraient régulièrem­ent.

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