Travail et addictions: dialoguer sans moraliser Prévention
Les dépendances à l’alcool, aux drogues ou encore aux médicaments ne s’arrêtent pas au seuil du bureau. L’entourage professionnel peut jouer un rôle clé dans la guérison
Les conduites addictives ne s’arrêtent pas à la porte de l’entreprise. Si elles sont difficiles à vivre pour l’entourage, elles peuvent causer de gros problèmes dans le monde du travail. Mais l’environnement professionnel peut aussi constituer un véritable soutien, notamment en favorisant la prise de conscience. Le RAAMO (Réseau alcoologie Alpes-Maritimes Ouvert) a consacré une journée départementale d’échanges et d’information sur la thématique à Antibes. «Le milieu professionnel est parfois le seul lien social réel pour le sujet en proie à des conduites addictives», souligne Rémy Baup, psychologue et président du RAAMO. S’il est facile de s’isoler des autres, de ses amis, pour masquer ses tourments, impossible d’échapper au travail. Pour autant, pas évident d’aborder le problème avec un collègue que l’on pense en souffrance. «Il est important que les choses puissent se dire mais de la bonne manière.» L’une de ces manières est le dialogue avec un ancien addict, idéalement un collègue. Etablir une relation de confiance, c’est l’idéal. Mais ce n’est pas toujours évident. D’autant que la thématique de l’addiction, l’alcoolisme notamment, peut encore être taboue. Stéphane Richard, éducateur spécialisé en Caarud (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues), Il arrive que des conduites addictives apparaissent très tôt. Parfois même pendant les études. Olivier Corso, adjoint de direction au CFA (centre de formation des apprentis) du bâtiment d’Antibes, rencontre de temps en temps des jeunes en proie à des problèmes d’alcool ou de drogue, constituant des obstacles majeurs à la réussite professionnelle. Mais pour aider ces futurs collègues, encore faut-il que l’équipe, au sein de laquelle ils se forment, soit sensibilisée. « Nous, formateurs, pouvons accompagner les entreprises pour mettre en place des actions afin de permettre à l’apprenti de terminer son cursus et d’entrer dans un processus de soin. Les encadrants n’ont pas toujours les bons mots. Or préserver ce lien social est fondamental. Mais pour cela, il faut des compétences. » note que « c’est aussi le devoir de tout employeur de prendre en charge la sécurité et la santé de ses salariés. Nous sommes, ou nous avons été tous confrontés à des gens qui ont des conduites addictives (10 % de la population serait concernée, Ndlr), donc ouvrir le débat, en parler, c’est important. La difficulté est de trouver le ton juste. Il ne faut pas adopter un discours moralisateur mais trouver ce qui va accrocher.»
Rejet ou non-dit
Dans cette démarche, médecine du travail et instances représentatives du personnel peuvent constituer des piliers dans la prise de conscience. Le Dr Patricia Delarbre, médecin du travail, en est convaincue : «il est important que la personne soit maintenue dans son poste et accompagnée afin de prendre conscience du problème. Le psychologue du travail peut l’aider à travailler sur ses conduites (Photo F.V.) addictives.» Reste à identifier et orienter l’individu concerné. «L’expérience montre que dans l’entreprise, le sujet en difficulté est soit rejeté, soit protégé par un non-dit, remarque Rémy Baup. Par exemple, le cas typique c’est un alcoolique qui va rendre plein de petits services, faire ce que les autres ne veulent pas faire. Alors personne ne lui dira rien. C’est une erreur. L’idéal serait qu’on trouve dans chaque entreprise un référent à qui s’adresser dans ce genre de situation.» Dans le doute, le recours à la médecine du travail peut être une solution. Toutefois il est impératif, pour l’entourage tant professionnel que personnel, d’observer une attitude bienveillante en dehors de tout jugement pour accompagner au mieux son collègue sur la voie de la guérison. Rens. RAAMO : 04.93.406.999.