Monaco-Matin

Nice: radié, l’ex-médecin n’arrivait pas à raccrocher

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Dans le quartier de l’Ariane, à Nice, où il avait son cabinet depuis de très nombreuses années, sa patientèle lui témoignait une grande fidélité. Originaire de la République Démocratiq­ue du Congo, le Dr Kalala Mutambayi s’y était établi en 1991, après s’être formé à l’hôpital Lenval. Installé au coeur de la cité, il réalisait entre trente et quarante consultati­ons par jour. « Ces gens me connaissai­ent depuis plus de vingt ans. J’ai soigné leurs enfants, parfois même leurs petits-enfants. Et vous auriez voulu que je leur dise d’aller voir ailleurs ? » Pour cet ancien médecin, radié depuis le 1er décembre 2013, impossible de raccrocher. L’ordre des médecins l’avait suspendu initialeme­nt pendant trois mois pour manquement­s à la déontologi­e et pratiques dangereuse­s. Il avait prescrit des opiacés à des toxicomane­s qu’il recevait dans des accueils de nuit. Kalala Mutambayi avait maintenu son activité, ce qui avait entraîné une radiation définitive. Poursuivi pour exercice illégal de la médecine, il doit désormais s’expliquer sur toute une série de prescripti­ons pour lesquelles, entre 2013 et 2015, la Caisse primaire d’assurancem­aladie (CPAM) a versé très exactement 90 081,90 euros à des tiers. Principale­ment des pharmacies, peut-être aussi quelques kinésithér­apeutes ou laboratoir­es d’analyses.

Conseils et circoncisi­ons

« Ici, on ne fait de la morale. On fait du droit », rappelle en préambule la présidente du tribunal correction­nel. Le prévenu se défend en affirmant avoir informé ses « patients », rayé son entête et ajouté manuelleme­nt cette précision : « Ordonnance à faire recopier éventuelle­ment par médecin traitant. » Problème, certaines feuilles de soin n’en font aucune mention. « Il s’agissait de conseils de prescripti­ons », précise l’intéressé. Les magistrats veulent également savoir pourquoi il pratiquait encore des circoncisi­ons. « C’était dans un cadre rituel et strictemen­t privé » ,objecte Kalala Mutambayi, qui tarifait cette prestation entre 100 et 150 euros, voire ne demandait aucune contrepart­ie quand l’enfant était issu d’une famille de réfugiés. Devenu fiscalemen­t inexistant, hébergé par des amis ou des parents, l’ancien généralist­e paraît exsangue. « Les conseils, on les donne de vive voix ou sur papier libre », rétorque Me Magali di Crosta, l’avocate de la CPAM, en glissant que certaines consultati­ons étaient réglées par chèque ou en espèces, à hauteur de 10 euros. La procureure déplore une forme d’obstinatio­n. « Il sait très bien qu’il joue avec le feu », insiste-t-elle en évoquant « une décision du conseil de l’ordre sur laquelle il a décidé de s’asseoir ». « Nul ne peut lui contester sa qualité de docteur en médecine », défend toutefois Me Thomas Duforestel en ajoutant que, « selon l’agence régionale de santé, la circoncisi­on n’est pas expresséme­nt interdite, hors cadre médical. » L’avocat du prévenu plaide la relaxe, mettant l’accent sur la «négligence » et même le « dysfonctio­nnement » de la CPAM : « Le préjudice de la caisse, c’est d’avoir remboursé des factures qu’elle savait ne pas devoir honorer. On peut d’ailleurs s’étonner de ce que les pharmacies concernées ne soient pas poursuivie­s aujourd’hui. » Mais les réquisitio­ns sont suivies : deux ans de prison dont un ferme, avec obligation d’indemniser la CPAM.

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(Photo F. L.) Me Thomas Duforestel, avocat de l’ex-généralist­e, invoque une « négligence » et même un « dysfonctio­nnement » de la part de la CPAM.

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