Nice: radié, l’ex-médecin n’arrivait pas à raccrocher
Dans le quartier de l’Ariane, à Nice, où il avait son cabinet depuis de très nombreuses années, sa patientèle lui témoignait une grande fidélité. Originaire de la République Démocratique du Congo, le Dr Kalala Mutambayi s’y était établi en 1991, après s’être formé à l’hôpital Lenval. Installé au coeur de la cité, il réalisait entre trente et quarante consultations par jour. « Ces gens me connaissaient depuis plus de vingt ans. J’ai soigné leurs enfants, parfois même leurs petits-enfants. Et vous auriez voulu que je leur dise d’aller voir ailleurs ? » Pour cet ancien médecin, radié depuis le 1er décembre 2013, impossible de raccrocher. L’ordre des médecins l’avait suspendu initialement pendant trois mois pour manquements à la déontologie et pratiques dangereuses. Il avait prescrit des opiacés à des toxicomanes qu’il recevait dans des accueils de nuit. Kalala Mutambayi avait maintenu son activité, ce qui avait entraîné une radiation définitive. Poursuivi pour exercice illégal de la médecine, il doit désormais s’expliquer sur toute une série de prescriptions pour lesquelles, entre 2013 et 2015, la Caisse primaire d’assurancemaladie (CPAM) a versé très exactement 90 081,90 euros à des tiers. Principalement des pharmacies, peut-être aussi quelques kinésithérapeutes ou laboratoires d’analyses.
Conseils et circoncisions
« Ici, on ne fait de la morale. On fait du droit », rappelle en préambule la présidente du tribunal correctionnel. Le prévenu se défend en affirmant avoir informé ses « patients », rayé son entête et ajouté manuellement cette précision : « Ordonnance à faire recopier éventuellement par médecin traitant. » Problème, certaines feuilles de soin n’en font aucune mention. « Il s’agissait de conseils de prescriptions », précise l’intéressé. Les magistrats veulent également savoir pourquoi il pratiquait encore des circoncisions. « C’était dans un cadre rituel et strictement privé » ,objecte Kalala Mutambayi, qui tarifait cette prestation entre 100 et 150 euros, voire ne demandait aucune contrepartie quand l’enfant était issu d’une famille de réfugiés. Devenu fiscalement inexistant, hébergé par des amis ou des parents, l’ancien généraliste paraît exsangue. « Les conseils, on les donne de vive voix ou sur papier libre », rétorque Me Magali di Crosta, l’avocate de la CPAM, en glissant que certaines consultations étaient réglées par chèque ou en espèces, à hauteur de 10 euros. La procureure déplore une forme d’obstination. « Il sait très bien qu’il joue avec le feu », insiste-t-elle en évoquant « une décision du conseil de l’ordre sur laquelle il a décidé de s’asseoir ». « Nul ne peut lui contester sa qualité de docteur en médecine », défend toutefois Me Thomas Duforestel en ajoutant que, « selon l’agence régionale de santé, la circoncision n’est pas expressément interdite, hors cadre médical. » L’avocat du prévenu plaide la relaxe, mettant l’accent sur la «négligence » et même le « dysfonctionnement » de la CPAM : « Le préjudice de la caisse, c’est d’avoir remboursé des factures qu’elle savait ne pas devoir honorer. On peut d’ailleurs s’étonner de ce que les pharmacies concernées ne soient pas poursuivies aujourd’hui. » Mais les réquisitions sont suivies : deux ans de prison dont un ferme, avec obligation d’indemniser la CPAM.