L’A prise d’assaut à Antibes
Le péage d’Antibes a cristallisé, hier, l’attention des manifestants et des forces de l’ordre. Entre filtrages et blocages, les différents groupes se sont répartis entre l’autoroute et les voies d’accès
Jaune colère. Vert de rage. Hier, à Antibes, il fallait choisir son camp. Et ce, avant même le début annoncé du mouvement. C’est en fin de matinée que les premiers manifestants sont passés à l’action en investissant la veine jugulaire du nord de la commune : le rond-point de Provence (celui qui mène notamment à l’A8 direction Nice et à Carrefour). Filtrages, klaxons et… quelques protestations. Impossible d’accéder à la D35 en direction de Vallauris ? Pas de souci : certains n’hésitent pas à forcer le passage à grands renforts de véhémence. Sauf que ça, ça ne marche pas. « C’est important que cela reste pacifiste. Notre but est de faire entendre notre ras-le-bol. Il faut rester dans la solidarité pour que le message passe», avance Bruno Visentin. Et pour ce motard vallaurien de 52 ans, cela passe par la taxation du carburant, oui. Mais pas seulement. Preuve en est avec Colleen Celse, 28 ans. Pancarte en main, elle n’en démord pas : «C’est une véritable hypocrisie. Il faut arrêter de voir les “gilets jaunes” comme des gros beaufs qui ne se soucient pas de l’écologie. On ne prend pas la voiture par volonté de détruire la planète!» La jeune femme fronce les sourcils: «Je travaille à Nice, j’habite Cannes. Je ne peux pas me rendre en transport en commun à mon lieu de travail sans prendre quatre bus différents, un train… Mais si c’était possible de le faire plus simplement je le ferai!» Comme tous, c’est la goutte de diesel qui a fait déborder le jerricane. Plusieurs centaines de manifestants ont pris d’assaut l’autoroute, hier en début d’après-midi. (Photos Patrice Lapoirie)
Un débordement qui annonce le déferlement…
Football et Marseillaise
Parallèlement à la prise en main du giratoire clé, une partie de la foule a franchi en début d’après-midi les barrières de l’A8. Vague fluorescente. Plusieurs centaines de participants au mouvement ont foulé le macadam de l’autoroute depuis le péage d’Antibes situé à proximité de Carrefour. La voie sud se retrouve rapidement fermée au célèbre péage d’Antibes situé quelques mètres plus loin.
Bien décidés à gagner du terrain, les citoyens de la révolte se lancent à la conquête de la voie nord. Pour enfin obliger les véhicules à circuler sur une file, sous les cris des manifestants. Scène incroyable. Un ballon de football s’invite et déclenche une partie endiablée : les sans gilets contre les porteurs de gilets. Une parenthèse qui vient rappeler l’enjeu. Ici, les manifestants ne comptent pas battre en retraite. Si les CRS ont réussi à les faire reculer de quelques mètres, ce sera tout durant un long moment. Statu quo de part et
d’autre. Face aux forces de l’ordre, les démonstrations pacifiques s’enchaînent : sit-in, reprise de La Marseillaise en choeur, slogans appelant à la démission du locataire de l’Élysée… « On tape toujours sur la classe moyenne ! », lance un hommage avec rage. ISF, taxes, impôts… Quel que soit leur quotidien, les manifestants traduisent leur sentiment d’inégalité et d’injustice par les mêmes mots. Ceux de la colère. Jaune colère. Révoltée. Sur son gilet jaune, Melissa Lornage affiche son cri du coeur : Macron démission. «Ma mère nous élève seule, elle gagne seulement dix euros de trop pour avoir des aides. Ça me dégoûte. À côté de ça tout augmente et j’ai peur pour l’avenir. Non, je n’aurai pas de retraite. Et ce n’est pas l’État qui va m’aider... Je travaille en tant qu’auxiliaire de vie pour me payer une formation que Pôle Emploi m’a trouvée. Elle coûte euros et devinez combien d’aide du conseil départemental j’ai reçu ? euros. Alors oui, aujourd’hui je suis en colère. Manifester est devenu un devoir citoyen dans ce contexte. Tout augmente sauf les revenus de ceux qui en ont besoin. Regardez, avec un euro vous n’avez plus rien ! Si je pouvais voir Macron en tête à tête je lui dirai ses quatre vérités, croyez-moi ! »