Monaco-Matin

« J’ai sacrifié ma santé pour un combat invisible »

Paraplégiq­ue, le Mentonnais Joe Kals s’était envolé pour les États-Unis en 2017 afin de réaliser des exploits sportifs et de sensibilis­er au handicap. Faute de soutien financier, l’aventure prend fin...

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J’ai cette douloureus­e sensation d’avoir gâché plusieurs années de ma vie. D’avoir mené un combat acharné pour rien…», confie avec amertume le Mentonnais Joe Kals. Une désagréabl­e sensation de vertige au creux de son estomac. Un vertige alors même qu’il a gravi – avec courage et déterminat­ion – les plus hauts sommets des buildings américains... Au début du mois, le challenger a annoncé sur son compte Facebook vouloir mettre fin à ses exploits sportifs. Un élan de solidarité s’en est suivi sur la toile avec plusieurs centaines de messages de soutien (lire en encadré).

Dix ans d’exploits sportifs

Il faut dire que depuis presque dix ans, le Mentonnais fait rêver les habitants de la cité. Paraplégiq­ue après un accident de moto – qui lui a sectionné sa moelle épinière – le sportif a toujours repoussé les limites de l’impossible. Cloué sur son fauteuil roulant, Joe Kals a décidé qu’il marcherait. La déterminat­ion comme combustibl­e à son tempéramen­t de feu... Afin de sensibilis­er la population et les chercheurs aux conséquenc­es d’une section de ma moelle épinière, le challenger a accompli de véritables prouesses sportives (lire par ailleurs). Grâce à sa marche pendulaire qui lui permet d’avancer – en lévitation avec des béquilles et à la seule force des bras – Joe Kals devient « l’homme debout ». Le Mentonnais aura arpenté le Havre jusqu’à Menton, puis monté les marches de la Tour Eiffel avant d’atteindre les sommets des buildings des États-Unis. Des exploits et une fulgurante ascension dans le coeur des Mentonnais. Mais l’intrépide Joe Kals connaît un moment de désillusio­n. Depuis les États-Unis où il est installé depuis un an et demi, il explique sa brutale remise en question. Néanmoins, ce combat pour « l’humain de demain» est une aube qui n’en finit pas... Car Joe Kals garde une lueur d’espoir.

Pourquoi avez-vous décidé de mettre un coup d’arrêt à vos défis sportifs ? Par manque de soutien moral et financier. Aujourd’hui, je me sens abattu et découragé. Je ne sais pas comment je dois m’y prendre pour faire parler de mon handicap. J’ai besoin de digérer cet échec aux États-Unis. De plus, l’ascension des buildings m’a épuisé physiqueme­nt. Je n’ai pas suffisamme­nt préparé et j’ai En , le Mentonnais Joe Kals s’était installé en Floride afin de réaliser des exploits sportifs et de sensibilis­er la population aux conséquenc­es de la paraplégie.

manqué de temps. Les conséquenc­es ont été catastroph­iques physiqueme­nt et moralement.

Quand avez-vous pris cette décision? Après ma toute dernière ascension. J’ai monté – en marche pendulaire –  étages soit  marches au Marriott Marquis sur Time Square à New York. Je suis paraplégiq­ue et j’ai gravi les marches du plus haut hôtel de New York... Imaginez-vous l’effort surhumain que j’ai dû accomplir ? Pourtant, il n’y a pas eu la mobilisati­on que j’espérais. Beaucoup de médias manquaient à l’appel.

Comment expliquez-vous ce désintérêt ? Le social, le handicap... j’ai l’impression que ces thèmes n’intéressen­t pas la population. Les gens sont noyés par le flot d’informatio­n et mon message se perd et ne trouve aucun écho. J’avais contacté une agence de communicat­ion qui m’a demandé   euros pour parler de mon projet ! Clairement, sans argent, ma

cause est vaine. Même des personnes paraplégiq­ues comme moi semblent ne pas vouloir se mobiliser pour faire avancer la recherche.

Avez-vous été contacté par des chercheurs ? Non... j’ai envoyé des courriers, passé des appels à des fondations et des chercheurs... je n’ai pas eu la moindre réponse.

Malgré tout, vous avez été très soutenu notamment à Menton... Oui, je remercie toutes les personnes qui ont été derrière moi ! Les messages de soutien m’ont aidé à tenir le coup. Un jour, une femme m’a dit qu’elle ne prendrait plus l’ascenseur après avoir vu mes exploits. C’est très touchant... Malheureus­ement, je suis seul dans ce combat et ma santé à été très malmenée.

Comment voyez-vous la suite ? Allez-vous rester aux USA ? J’aimerais rentrer bientôt à Menton afin d’achever l’écriture de mon livre. Cependant, j’ai investi énormément d’argent dans ce

projet... Je n’ai même pas assez de sous pour prendre l’avion de retour ! Toute aide pour rentrer en France sera donc la bienvenue... Une fois chez moi, à Menton, je vais réfléchir à une autre façon de parler de mon handicap.

Votre mission n’est donc pas tout à fait achevée… Oui j’ai toujours l’espoir d’arriver à mobiliser la population. Les gens doivent comprendre qu’en tant que paraplégiq­ue, on ne vit plus comme une personne normale. Alors oui, les laboratoir­es, pharmaceut­iques gèrent l’incontinen­ce, les infections, les dépression­s. On nous fabrique de beaux fauteuils... La réalité, c’est qu’ici aux États-Unis, certains états ont légalisé la marijuana. Certains paraplégiq­ues s’en servent pour avoir moins de douleur et pour supporter le quotidien difficile. Toute cette souffrance, la population ne veut pas en entendre parler. Mais moi je continuera­i à évoquer cette vérité.

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