Grasse : encore des barrages mais les automobilistes et commerçants grognent
La colère au ventre. Et la détermination sur les visages. C’est en fin de matinée, hier, que les «gilets jaunes» ont repris place autour du rond-point de Provence d’Antibes qu’ils avaient occupé jusque tard dans la soirée. Non, la nuit ne les a pas arrêtés. Non, le lendemain ne leur a pas donné la gueule de bois. Ils avaient trop mal au coeur pour ça. Et c’est devant le péage qu’ils ont gagné la veille que les citoyens ont poursuivi leur combat. Un filtrage qui a provoqué la surprise, d’abord, des automobilistes. Beaucoup d’entre eux avaient reporté leurs déplacements du samedi sur… dimanche. Alors, évidemment, après la surprise vient l’incompréhension. Générant indubitablement le courroux. Deux camps apparaissent alors : les sympathisants klaxonnant à capot ouvert sous les applaudissements des militants et… les autres. « Mais va travailler ! », crache un homme bloqué dans la circulation, « Tu ne paies pas l’essence toi ? » lui répond un manifestant. Oui, les esprits s’échauffent rapidement. Mais chacun garde à l’esprit la philosophie première du mouvement : se faire entendre.
Heurté par un véhicule
Comme lors du premier jour d’action, les véhicule s de secours, de transport d’urgence, les professions médicales sont prioritaires. « Attention laissez passer la dame : elle est infirmière, elle doit aller voir ses patients ! » En quelques secondes, le véhicule passe. Parce que la vie prend le dessus. Preuve en est avec cette dame sur le point d’accoucher qui a pu stationner devant l’accès de l’A8 – bloqué par les forces (Photos Jean-Sébastien Gino-Antomarchi) de l’ordre – pour attendre les sapeurs-pompiers. Qui, d’ailleurs, ont dû intervenir plus tôt dans l’aprèsmidi pour prendre en charge un homme de 64 ans. Le manifestant a été heurté par une voiture. Conscient à l’arrivée des secours, il souffre d’un traumatisme au genou et à la cheville droite. L’automobiliste mis en cause a été interpellé par la police nationale. Au fil des heures, les agents des forces de l’ordre ont dû faire face à une situation de tension de plus en plus prenante. Menant même à l’usage de gaz lacrymogène par les CRS. Fumigènes, cris… et feu de broussailles. Petit incendie qui a rapidement été circonscrit par les soldats du feu. En début de soirée, une cinquantaine d’irréductibles étaient encore présents. La mobilisation n’a pas faibli hier pour la deuxième journée d’action des «gilets jaunes» à Grasse. Comme samedi, c’est à Saint-Jacques que les blocages se sont concentrés toute la journée. Tous les ronds-points du quartier ont été aux mains des manifestants en jaune, très déterminés. Comme Azouz, 35 ans, présent dès 8h. «Aujourd’hui on ne va rien lâcher. On est prêt à monter à Paris. C’est la première fois que je manifeste. J’ai voté Macron, je regrette» indique cet agent de sécurité. C’est vers 9h30 que les pneus ont été déversés sur l’avenue de la Libération au niveau du rond-point d’accès à la route de Peymeinade. Le point de blocage est mis en place. Filtrage. Bientôt perturbé par la colère de Sébastien Rohard de la boucherie L’Excellence, juste en face. Il tente d’enlever les palettes de la chaussée. En vain. L’impact des «gilets jaunes» sur le commerce à Saint-Jacques est réel.
Tout droit sur le rond-point
« J’ai repris la boucherie il y a cinq mois, je suis endetté jusqu’au cou. J’ai perdu beaucoup ce weekend. Je fais comment?! C’est révoltant ! » Un peu plus tard, c’est le rond-point de la Halte qui est également bloqué par des plots sur ses quatre entrées. L’ambiance est moins tendue que samedi même si quelques incidents émaillent la journée. Comme cet automobiliste qui a sorti un extincteur de sa voiture, sans s’en servir. Ou cet autre qui, excédé, a forcé le barrage devant le stade JeanGirard, en bousculant une adolescente. Ouf, sans gravité. Certains conducteurs, pour éviter l’embouteillage, ont tracé tout droit dans le gazon du rond-point de la Halte !
« Nouveau mai »
Dans l’ensemble, les automobilistes, filtrés par dizaine toutes les dix minutes, ont pris leur mal en patience. Dans les vrombissements de moteur et autre slogans scandés «Macron démission !». Les polices nationale et municipale en veille. «On laisse le mouvement s’exprimer avec des limites : pas de blocage pour les véhicules d’intérêt général» a indiqué Anis Ouejhani, commissaire de police de Grasse. Après l’incident de l’automobiliste qui a foncé samedi matin sur un policier, Alliance Police Nationale 06 a tenu à souligner que «sans le professionnalisme de nos agents engagés, de très nombreuses situations auraient pu dégénérer en raison des diverses tensions entre automobilistes et gilets jaunes». En fin de journée, ceux-ci, -une bonne cinquantaineaffichaient encore une mobilisation sans faille. « On n’a pas fait tout ça pour que ça s’arrête. Vous savez, mon fils a deux boulots pour s’en sortir et on est obligé de l’aider» explique Cécile, 48 ans, commerciale, qui craint les effets pervers du prix du carburant: « Les entreprises vont devoir amortir ces surcoûts en augmentant leurs prix » . Lola, 24 ans, espère que le mouvement va continuer et prédit un «nouveau mai 68» car, «on n’est pas des vaches à lait...» Ce n’est qu’en début de soirée que les «gilets jaunes» ont décroché.