Un mouvement sans équivalent
Le mouvement baptisé des « gilets jaunes » est sans équivalent. Les « bonnets rouges », certes, avaient paralysé la Bretagne contre les taxes écologiques, mais leur revendication était restée géographiquement limitée, donc largement moins spectaculaire que celle de ce week-end. C’est un mouvement d’un nouveau genre, jusqu’ici inconnu, spontané, inorganisé et fier de l’être. Il est clair que beaucoup des hommes et des femmes qui y ont participé manifestaient pour la première fois. D’où la différence, d’une région, d’un point à un autre, entre le comportement des « gilets jaunes » : bon-enfants ici, plus violents-là, anarchiques,
hélas, parfois. Ce n’est pas tant l’ampleur des manifestations, que la nature-même des manifestants qui a fait de ces rassemblements un mouvement inédit. On n’y a pas vu des professionnels de la politique ou des mouvements syndicaux. Mais plutôt, appelés essentiellement par les réseaux sociaux, Facebook et Twitter, des salariés, des commerçants, des artisans, des retraités surtout, c’est-à-dire la partie de ces classes moyennes qui ressent le plus fortement la baisse de leur pouvoir d’achat : une réaction qui n’a pas seulement pour cause la montée du prix des carburants, mais les taxes de toutes natures dont elles se sentent les premières et les seules victimes. Une flambée contestataire, donc, sans leaders, sans porteparole désignés, et peut-être
aussi, de ce fait, sans réelle cohérence d’autre que la volonté de se faire entendre directement, par-delà des corps intermédiaires discrédités, par le président de la République. Difficile, pour lui de ne pas entendre, et surtout de ne pas répondre au malaise ainsi exprimé. Hier, le Premier ministre est monté au feu. Le message, at-il dit, est passé, il a bien entendu cette révolte contre une fiscalité jugée excessive qui a déjà commencé avec la fin des cotisations sociales salariales. Mais, pas plus que le Président, il ne changera de cap : la baisse réelle de la pression fiscale, la réparation du pays en quelque sorte, ce sera pour la fin du quinquennat. Mais ceux qui sont en situation d’urgence trouveront sans doute le temps bien long.
« C’est un mouvement d’un nouveau genre, jusqu’ici inconnu, spontané, inorganisé et fier de l’être ».