En marche sur la Prom’ pour être entendus à Paris
Des centaines de manifestants ont défilé dans les rues de Nice. Un mouvement pacifiste malgré la fermeté des propos et des revendications. Les «gilets jaunes» voient toujours rouge
A11 h 30, hier, place Masséna, les « gilets jaunes » n’ont pas encore choisi leur itinéraire. Ils attendent, avec leurs pancartes crayonnées : «Gilets jaunes, colère noire» . Ou bien : «Arrêtez de plumer les mémés et les pépés », «Stop à la captation des richesses par les 10% des plus riches»... L’heure tourne. Le brouhaha s’amplifie. Le cortège naissant aussi. « Cinq cents participants », diagnostique la police. « Deux mille six cents », corrigent les manifestants. Le « gilet jaune » coordonnateur, c’est Patrick, qui propose plusieurs trajets : promenade des Anglais ou aéroport. «La Prom ! La Prom !» scande le peuple. On ne s’entend pas. Tout le monde gueule. Ça sent le manque d’organisation et de cohésion. Le mégaphone arrive. Ouf ! «On est dans un mouvement pacifiste, sans violence, sans dénigrement d’autrui», rappelle Patrick le moustachu. «La Prom’, mais la mairie d’abord», insiste une manifestante coriace. « Oh ça va avec votre mairie », coupe une autre. «Eh! J’ai le droit de m’exprimer », vocifère la première. On a dit pa-ci-fis-te ! Allez, c’est parti. Le flot couleur soleil s’engouffre dans les rues proches de la mairie, dont les abords sont bouclés par la police. Direction rues SaintFrançois-de-Paule, Raoul-Bosio sous les slogans « Macron démission ! » La foule crie, agite drapeaux français ou niçois, entonne La Marseillaise, Nissa la Bella, Petit papa Noël revisité façon «Petit papa Macron, arrête de prendre notre pognon pour le filer aux grands patrons...» Ambiance plutôt pépère. Arrêtée net d’un coup de sifflet. Un peu avant le Palais de la Méditerranée, une minute de silence est décrétée à la mémoire des 86 victimes de l’attentat de juillet 2016.
Doigt d’honneur
Parmi les passants, pas ou peu de réflexions. Aux terrasses ou debout, les gens regardent, comme anesthésiés par des semaines de révolte. Les uns photographient ou filment. Les autres sont indifférents ou préfèrent se taire. Sauf cette dame, pointant un doigt d’honneur en direction du fleuve jaune. « Vieille pute ! » répondent vertement quelques manifestants. Le ton monte. La police calme le jeu. La femme au majeur dressé vers le ciel ne se démonte pas et ironise : «Moije lève le doigt, car je fais de la danse et vous ne représentez rien ! » Arrivée du flot populaire sur Gambetta. Thiers. Les propos se font parfois orduriers. Touchant à la vie intime du président. Franchement, ont-ils leur place dans ce type de mouvement ? Des manifestants changent de répertoire, chantent du Johnny Hallyday, rêvent d’allumer le feu, font escale devant la gare de Nice en hurlant (Photo Ch. R.) « Paris, Paris, on te soutient... » À 13 h 30, au carrefour avec Jean-Médecin, le tram a compris qu’on allait faire une longue pause. Des boutiques et des grands magasins descendent leur rideau métallique sur le passage des révoltés. Devant Nicetoile, le cortège stoppe. Sit-in et chansons. Réitérés devant les Galeries Lafayette, puis de retour place Masséna. Chacun y va de sa revendication. Tout y passe : l’Europe dont il faut sortir, le Lévothyrox, le RSA, les retraites, le référendum d’initiative citoyen... Parfois, le message pluriel part un peu dans tous les sens. Pourtant, une chose semble sûre et acquis : « On ne lâche rien ! »