Peines de principe à Nice pour deux « gilets jaunes »
« Et maintenant, l’acte VIII ! » L’audience correctionnelle vient de s’achever et déjà, les esprits sont ailleurs. La décision du tribunal a été accueillie par des applaudissements nourris. Bonnets et gilets jaunes fluo, jusqu’alors dissimulés, ont surgi tels des emblèmes triomphaux. Hier soir, au palais de justice de Nice, les sourires et embrassades témoignent du soulagement des troupes. Ils sont une trentaine à être venus soutenir Sylvain, 39 ans, et Jason, 22 ans. Ces deux « gilets jaunes » font partie des neuf personnes placées en garde à vue, le 1er décembre dernier, à l’issue des heurts près de l’aéroport. Le mouvement en était alors à son « acte III ». Les deux camarades répondent de « participation non armée à un attroupement après sommation de se disperser » et « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Tous deux s’étaient écriés « fils de p... » après avoir été aspergés de gaz lacrymogènes par la police. Jason est en outre poursuivi pour « violences volontaires avec arme » envers les policiers. Il avait roulé avec sa Golf, à contresens, dans leur direction.
Peur bleue
La scène s’est jouée à hauteur du parc Phoenix, alors que deux actions distinctes rythmaient la journée des forces de l’ordre, l’une côté Masséna, l’autre côté aéroport. « Les policiers ont eu le sentiment d’être débordés », explique le président du tribunal Guillaume SaintCricq. Quelques motards de la police nationale tentaient, tant bien que mal, d’interdire l’accès à l’aéroport, en présence d’un imposant groupe de motards en jaune. Au volant de sa Golf, Jason suivait ces motards. « Après les fumigènes, ils sont partis », relate le jeune homme. Les CRS, eux, sont arrivés. « Personnellement, les CRS... On voit des vidéos sur Facebook... Je me suis dit : “On va se faire matraquer !” » Jason a donc décidé de redémarrer, pas trop vite – « j’étais à 30, peut-être. » Au risque de (Photo C.C.)
faire peur aux policiers. Jason en convient, désormais. « Après les attentats qu’il y a eu, et avec les fumigènes, ils voient arriver une voiture : je comprends qu’ils aient eu peur... » Sylvain, pour sa part, a eu le tort de se retrouver en première ligne de la manifestation. La police l’a identifié comme le meneur. « Parce que je demande de libérer les citoyens », nuance Sylvain. « Vous mettiez l’ambiance ! », ironise le président. Sylvain insiste : «Je n’ai pas commis de violence. Ils [les policiers, ndlr] ont dû penser que leur barrière de sécurité était un peu juste. C’est pourquoi ils ont réagi comme ça [avec les gaz] .»
Les policiers absents
Difficile d’avoir une autre version. Les deux policiers outragés ne sont pas venus. Un seul d’entre eux a déposé plainte, uniquement contre Sylvain. Les policiers avaient-ils bien sommé les manifestants de se disperser, avant de lâcher les gaz ? « Rien ne permet d’établir que le préalable ait été fait », reconnaît le procureur Clotilde Ledru-Tinseau. « Le parquet, souligne-t-elle à l’attention des esprits suspicieux, n’est ni le bras armé du gouvernement, ni de la répression. » Le ministère public en apporte la preuve en revoyant sa copie, et en demandant la requalification de certains faits.
L’affaire fait pschitt
Clotilde Ledru-Tinseau requiert 3 mois de prison avec sursis – une « peine symbolique » – à l’encontre de Jason, et 90 jours-amendes à 10 euros contre Sylvain. Leurs avocates respectives, Me Delphine Geay et Stéphanie Rochefort, peuvent s’estimer satisfaites. L’affaire se solde par de simples amendes : 300 euros pour Jason, 20 jours-amende à 10 euros pour Sylvain. Avec plusieurs relaxes partielles à la clé. « Bonne année ! », conclut Sylvain. Ses partisans, eux, entonnent des « Macron démission » sitôt sortis du palais de justice.