Rassemblements contre l’antisémitisme
Grand rassemblement hier soir, place Garibaldi, à Nice. Militants de toute sensibilité et citoyens impliqués ont dit leur refus de l’intolérance. Les jeunes se sont peu mobilisés
Il est 19 heures, hier, lorsque Roger Wolman repose le micro. Niçois, juif, issu d’une famille accablée puisque la plupart de ses proches ont été déportés, il est venu témoigner. Mais s’il s’est déplacé, c’est surtout pour inviter les jeunes à s’informer et exhorter leurs parents à les y aider. Au vu de la recrudescence d’actes antisémites, de toute évidence, le devoir d’éducation connaît des ratés.
Ses mots auront-ils une portée ? La place Garibaldi est bondée. Assistance convaincue, chacun s’étant levé pour grossir les rangs du rassemblement contre l’antisémitisme. Les jeunes, toutefois, se sont peu mobilisés.
« Nous saurons demain ou après-demain, en fonction de ce qu’il va se passer dans la ville, si cet appel est un échec ou une réussite, glisse Sauveur Assous, président d’honneur du Fonds social juif unifié. Tous, ici, ont pris conscience. Mais les autres ? Parmi ceux qui ne sont pas venus, beaucoup refusent la réalité et, par conséquent, le dialogue. » Un ange passe. Auquel des grosses têtes emboîtent le pas : étrange spectacle que celui des chars en route pour la place Masséna. Regard goguenard de Bebel, sourire béat de Brice de Nice. Le spectacle continue, un corso illuminé n’attend pas.
Avant que le carnaval reprenne ses droits, Christian Estrosi rend hommage, « au-delà de tout esprit partisan » , aux « formations politiques qui portent des valeurs républicaines ». Le maire regrette les années passées durant lesquelles, « par lâcheté », on a laissé prospérer « l’insupportable ». Et rappelle qu’une réaction s’impose « ici plus qu’ailleurs » ,la ville ayant été « tellement traumatisée dans son histoire ».
« Toucher à un juif, que ce soit par des mots ou des gestes, c’est toucher à toute la France », affirme Christian Estrosi. Avant d’ajouter que, « derrière toute attaque antisioniste, on cherche à camoufler son propre antisémitisme. »
Cette phrase résonne encore lorsque les premières fractures se font jour. «Je me sens insulté dans mon intelligence », objecte à qui veut l’entendre un homme condamnant « un État religieux qui exclurait le reste de l’humanité ». Tandis qu’un « islamo-gauchiste » harangue un petit groupe sur ce thème : « Moi qui me bats contre les fascistes, ça ne me gêne pas qu’on ait viré [Alain] Finkielkraut d’une manif progressiste. » À 19 h 30, la foule commence à se disperser.