Peillon : l’héritage de Pierre et Claude Brasseur
Le restaurant « Les Plaisirs », ouvert depuis 2010, a autrefois appartenu aux acteurs. Souvenir d’une époque où la folie des grandeurs était quotidienne sur la Côte d’Azur
Il est un temps que ce village azuréen a traversé, sans en avoir conservé beaucoup de traces. « Peillon, c’était Montmartre. C’était un lieu où toutes sortes d’artistes et de sportifs venaient, se souvient MarieJosé Millo-Clavel. Mais le seul qui a laissé son empreinte, c’est Pierre ». Cette empreinte, c’est une petite maison, qui a servi de piedà-terre aux Brasseur. À Pierre, puis à son fils, Claude. Et c’est à lui que la villageoise a racheté le bâtiment au début des années 1980. Depuis 2010, le fils de MarieJosé, Romain, l’a transformé en un restaurant, « Les Plaisirs », qui vient d’obtenir un Bib gourmand. Tous deux y entretiennent religieusement le souvenir de cette époque. « Cette maison est pleine d’histoire, s’emballe Marie-José, en faisant visiter les lieux. À part les toilettes, tout respire Pierre Brasseur ».
Cirage sur les oreillers
Au début des années 1960, les artistes sont légion à séjourner à Peillon, comme sur toute la Côte d’Azur. Ici, ils logent à l’Auberge de La Madone, fondée par les parents de Marie-José : Raymond et Aimée Millo. Alors que les vedettes ne font que passer, l’acteur Pierre Brasseur décide d’acheter une bicoque qui faisait plus ou moins office de bergerie. « Il y avait tout à refaire. Et Pierre a tout refait. Pendant les travaux, avec Catherine Sauvage (1), ils sont restés à l’auberge de mes parents : c’est quelqu’un que j’ai côtoyé journellement. »
Elle décrit celui qui a donné la réplique à Jean Gabin dans le film Quai des brumes comme « un type génial, un homme de coeur, un vrai personnage ». « On lui avait laissé une chambre, il se levait tous les jours à 6 heures du matin et il peignait. Il avait toujours un porte-cigarettes et surtout cette barbe noire, sur laquelle il mettait du cirage. Je vous dis pas les oreillers… », s’amuset-elle aujourd’hui.
Boire des coups
Que faisait l’homme à la barbe noire, dans sa nouvelle maison ? « Il fumait… Il fumait et il peignait », retrace la restauratrice, dans un éclat de rire. À sa mort, en 1972, son fils Claude hérite du bien. Moins présent, il reste plusieurs semaines, le temps du tournage du film Les seins de glace (1974), qui a lieu à Nice et à Peïra-Cava. Mais en l’absence de l’acteur, la maison était rarement vide. « Claude la prêtait tout le temps à des amis. Là où il y a aujourd’hui la cuisine, il y avait des escaliers, où ils jouaient de la musique et buvaient un coup. » Mais le temps de la fête a ses limites… Celui qui a joué dans Un éléphant ça trompe énormément ne sait plus trop quoi faire de cette maison lointaine. Il se décide à la vendre à Marie-José, amie de la famille.
Après un temps mort, Romain a donc décidé de reprendre le flambeau. Lui, le petit-fils de l’écrivain Bernard Clavel. « Il y avait une histoire ici, explique le jeune homme. C’était important pour moi de faire vivre cette maison et mon village. Je veux garder son esprit d’amitié et transmettre mon patrimoine à travers ma cuisine ». Et ainsi prolonger le destin hors-norme de cette petite maison... dans le village perché.