LE CHAMPION DE BRIDGE JOUE DE MALCHANCE
La suspension pour dopage du meilleur joueur de bridge au monde, qui représente Monaco dans les compétitions internationales, est une aberration sur le plan médical. On vous explique pourquoi
Suspendu pour dopage, le champion du monde norvégien de bridge licencié à Monaco est emprisonné pour délit fiscal. Respecté par ses pairs, Geir Helgemo jouerait de malchance. D’un point de vue médical, la sanction semble aberrante.
Le bridge n’est vraiment pas un jeu de hasard où la chance occupe une place centrale. Sinon, Geir Helgemo ne serait pas le meilleur joueur actuel. Car de la chance, le numéro 1 mondial de la discipline en manque cruellement depuis quelques mois. Le 28 février dernier, la Fédération internationale de bridge (WBF) a ordonné sa suspension pour un an à la suite d’un contrôle antidopage positif à la testostérone, le privant des tapis verts jusqu’au 20 novembre prochain.
Un coup dur pour lui et l’équipe professionnelle monégasque, dont il est le leader [lire notre édition du 2 mars].
« La faute n’est pas intentionnelle »
Piqûre de rappel. Lors des derniers championnats du monde de bridge, le 29 septembre 2018 à Orlando, en Floride, le joueur a été contrôlé positif. Des traces de testostérone et de clomifène ont été détectées dans les urines du Scandinave. Un cocktail hormonal dont l’utilité en tant que dopant pour un sport cérébral reste à démontrer.
« Je ne suis pas médecin mais je ne vois pas en quoi un tel produit peut avoir un rôle dopant pour un bridgeur », estimait dans nos colonnes Jean-Charles Allavena, président de la Fédération monégasque de bridge (FNB) jusqu’en 2016, un proche de Geir Helgemo. Son successeur à la tête de la fédération monégasque est tout aussi stupéfait : « Il suivait un double traitement médical, explique Gilbert Vivaldi, l’actuel président de la Fédération monégasque de bridge. Les substances retrouvées lors du contrôle antidopage proviennent de là. Il est totalement invraisemblable que ces substances aient pu avoir un quelconque rôle dopant. D’ailleurs, dans le délibéré du jugement, il est admis que la faute n’est pas intentionnelle. »
L’avis médical qui écarte la volonté de dopage
Pour en avoir le coeur net et comprendre quels effets peuvent bien avoir la testostérone et le clomifène, nous avons sollicité un expert. En l’occurrence, le Dr Imène Fatfouta, gynécologue à Nice, spécialiste en médecine de la reproduction et en fertilité. Son explication est de nature à blanchir le joueur de bridge : « La testostérone est un anabolisant musculaire qui sert à augmenter les performances physiques, à courir plus vite, sauter plus haut, lever des poids plus lourds. Cette substance ne sert pas à améliorer la concentration. Au contraire, elle rend irritable, violent. Il me semble que pour jouer au bridge, il faut être calme, serein et concentré… » Geir Helgemo suivait un régime strict, prescrit par un coach sportif, afin de perdre du poids, confie Gilbert Vivaldi. Quand on sait que « la testostérone est utilisée pour maigrir », indique le Dr Fatfouta, et que le clomifène sert à contrecarrer certains effets secondaires de cette hormone, on comprend mieux pourquoi le meilleur joueur de bridge au monde clame son innocence dans cette affaire.
Adapter la liste des substances interdites
D’où la réaction du président de la Fédération monégasque de bridge : « Nous estimons que la liste des substances proscrites doit être adaptée, selon qu’il s’agit d’un sport physique ou de l’esprit. Nous allons demander à la Fédération mondiale de bridge de réfléchir avec l’Agence mondiale antidopage à adapter les contrôles en fonction du sport considéré. » Dire que Geir Helgemo n’a pas de chance n’est pas exagéré. Et pas seulement en raison de cette suspension d’un an pour dopage. Le meilleur joueur de bridge au monde est actuellement incarcéré dans une prison norvégienne, après une condamnation dans une affaire fiscale sans rapport avec celle du dopage (lire par ailleurs).
Ce n’est vraiment pas son année…