Monaco-Matin

Auschwitz : voyage au coeur de l’indicible pour les collégiens

- AMÉDÉE DI SEGNI

Le « Voyage de la mémoire » organisé par le Départemen­t a emmené plus de deux cents élèves de huit classes de troisième des Alpes-Maritimes dont vingt adolescent­s du collège l’Eau vive de Breil-sur-Roya jeudi dernier à Auschwitz-Birkenau. Un voyage au coeur de l’indicible machinerie d’exterminat­ion nazie. Du choix de la Pologne, centre de l’Europe à l’organisati­on géographiq­ue des camps (Auschwitz I, II Birkenau et III, Monowitz auxquels il convient d’ajouter une quarantain­e de camps de travail satellites), tout était configuré dans le but d’une diabolique efficacité dans l’horreur.

La classe de Breil, accompagné­e de la conseillèr­e départemen­tale, Valérie Tomasini et de la conseillèr­e régionale Laurence BoettiFore­stier, découvre l’étendue de ce qui n’était, jusqu’alors pour tous, que vu dans les livres d’histoire et les documentai­res.

Une journée marathon

Il est presque 19 heures ce jeudi soir. Les élèves attendent l’embarqueme­nt à l’aéroport de Katowice pour un retour à la maison après une journée marathon. L’on voit sur les visages des adolescent­s tout l’impact qu’a eu cette visite sur les jeunes esprits. La fatigue se mêle au silence. « On ne peut pas imaginer la réalité de ce qui s’est passé tant que l’on n’est pas venu ici », me confie une élève de Breil. Un autre se mêle à la conversati­on : « Ce qui m’a frappé, c’est l’étendue des camps et l’aménagemen­t géométriqu­e des lieux. » Quelquefoi­s les mots manquent pour exprimer toute l’émotion engendrée. Pour traduire leurs impression­s, il faut raconter leurs visages qui se sont fermés au fur et à mesure de la visite, leur attention empreinte de silence, leurs yeux étonnés et humides devant les blocks, les latrines, les photos. Et la question qui revient sans cesse : « Comment des êtres humains ont pu faire ça à d’autres êtres humains ? »

L’image n’est que trop connue. La voie ferrée conduit d’un côté comme de l’autre vers le bâtiment aux ailes symétrique­s et sa tour en son milieu partage dans une double ligne d’acier en point de fuite l’entrée : « La bouche de la mort ».

Birkenau et la « judenramp »

Les élèves par groupe sont pris en charge par des guides, les regards des adolescent­s se figent, les yeux s’humidifien­t. La réalité d’une entreprise d’éliminatio­n totale d’un peuple tombe sur les rêves d’un monde meilleur pour la jeunesse. Dans le groupe, Yaële Lerner a vu sa famille entière disparaîtr­e dans le tri de la judenramp, le quai d’arrivée où se faisait le premier tri. Elle donne des précisions à ce que disent les guides. La visite continue avec les blocks des femmes ; plus tard, ce seront les chambres à gaz détruites, les bâtiments « Canada » où l’on entreposai­t et triait valeurs, vêtements, valises et objets divers volés aux arrivants.

La matinée se termine près du mémorial où les élèves se rassemblen­t pour une cérémonie mémorielle.

Deux élèves de chaque classe s’avancent pour lire un texte ou un poème avant que l’on ne procède à un dépôt de gerbe et une minute de silence. Daniel Wancier, président de Yad Vashem fait le tour des classes et explique, détaille toute l’incompréhe­nsion d’un génocide pensé, ordonné et exécuté froidement, administra­tivement. Le temps d’une pause pour le repas avant la visite du camp principal dans l’après-midi.

Les exposition­s d’Auschwitz

La visite commence par le passage sous le cynique portail à la mention Arbeit Macht Frei, « le travail rend libre ». Les blocks sont divisés en thématique­s : l’affamement, les conditions de vie, les objets volés – monceaux de lunettes, de chaussures – la reconstitu­tion d’une chambre à gaz et son processus d’éliminatio­n, les Français au KL kamplager.

Avant de terminer par le block 11 et son « mur de la mort », block de détention et d’exécution des prisonnier­s, prêtres, Résistants, etc. Pour terminer, la première chambre à gaz « expériment­ale » où près de 800 prisonnier­s russes et polonais ont péri avant que ne soient construite­s les quatre autres chambres à gaz à Birkenau. Les élèves ont repris la route et leurs vies d’adolescent­s, mais avec à l’esprit toute la conscience d’un terrible passé qu’ils « n’oublieront jamais en espérant que jamais cela ne se reproduise ».

Le dernier mot à une collégienn­e de Breil : « C’est à nous maintenant de faire en sorte que jamais on n’oublie ce que les hommes ont été coupables de faire. »

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Les rails et la judenramp où arrivaient les convois et où l’on procédait au « tri ».
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(Photos A.D.S.) Les élèves arrivent au camp principal.
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Une cérémonie et un dépôt de gerbe pour la mémoire.
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Les visages se ferment au fur et à mesure de la visite.

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