L’assistance vidéo fait encore débat
L’égalisation de Bordeaux sur penalty à la suite d’une main involontaire de Falcao sanctionnée par l’assistance vidéo fait débat. Saïd Ennjimi, ancien arbitre, nous éclaire sur la question
Presnel Kimpembe face à Manchester United, Falcao contre Bordeaux. En moins de quatre jours, deux penalties ont été sifflés pour des mains involontaires après recours à l’assistance vidéo. À chaque fois, dans un premier temps, l’arbitre central n’avait pas souhaité siffler. Le recours à la VAR a finalement changé la donne.
Que dit la fameuse loi 12, paragraphe 16 : « Toucher le ballon de la main implique un geste délibéré de la part du joueur pour toucher le ballon de la main ou du bras. L’arbitre doit tenir compte des circonstances suivantes : mouvement de la main vers le ballon (et non pas du ballon vers la main), distance entre l’adversaire et le ballon touché de la main (ballon imprévu), la position de la main n’implique pas forcément une faute commise de la main ».
Pour Saïd Ennjimi, ancien arbitre international et consultant sur L’Equipe TV, il faut pourtant tenir compte de « la notion d’agrandissement de la surface de son corps de manière volontaire. Par exemple, quand un joueur prend son impulsion, il est difficile de le faire en gardant les mains collées le long du corps ». Pour l’ancien arbitre la VAR n’a rien réglé, au contraire. «Onséquence trop le jeu en oubliant l’esprit. Sur l’action de Kimpembe par exemple, il serait plus judicieux de pouvoir calculer grâce à la vidéo la trajectoire de la frappe, afin de vérifier si le ballon se dirigeait vers le but, plutôt que d’essayer de borner les images sur le saut du Parisien ». Pour tenter de « faciliter » les choses, à partir de la saison prochaine, la notion de main intentionnelle devrait évoluer. « On est en train, petit à petit, de tuer le jeu, poursuit Ennjimi. Un arbitre doit prendre en considération le contexte général d’un match. Là, on a transformé des décisions humaines en décisions mécaniques. Que ce soit Kimpembe ou l’action de Falcao contre Bordeaux, l’arbitre central ne siffle rien au départ mais il est interpellé par la vidéo. Et quand on vous demande d’aller voir les images, c’est qu’on estime que votre décision n’est pas la bonne. Vous êtes conditionné au moment de regarder les images ».
Se limiter aux décisions binaires
L’actuel consultant de L’Equipe TV n’est pas opposé à la VAR bien au contraire, il en souhaite juste une meilleure utilisation. «Lavidéone doit concerner que les situations binaires. Y avait-il hors-jeu ? Oui ou non. Le ballon a-t-il franchi la ligne ? Le joueur a-t-il simulé dans la surface ? Aujourd’hui, elle est là pour réinterpréter certaines décisions qui, dans l’esprit du jeu, ne sont pas des injustices. Le football a besoin d’incertitudes. L’arbitre peut se tromper mais ne commet pas de fautes, c’est la glorieuse incertitude du sport. On veut donc tout contrôler et empêcher l’aléa ».
Censée calmer les esprits, l’assistance vidéo est en train de crisper toutes les équipes. Falcao allant même jusqu’à brandir l’idée que Monaco était systématiquement pénalisé par la VAR. Une idée partagée par... le Bordelais Eric Bedouet après la rencontre qui, de son côté, avançait que les Girondins étaient jusqu’ici l’équipe de Ligue 1 la plus pénalisée par la VAR cette saison.Au final, personne n’est satisfait... Ennjimi toujours : « Moralité, on a plus de débats sur l’arbitrage cette saison alors que la vidéo est là... Les gens sont plus à même d’accepter l’injustice humaine que celle mécanique. Les arbitres ne doivent pas se contenter d’impliquer simplement la règle mais s’attacher également à l’esprit. C’est important d’ouvrir le champ visuel sur une action litigieuse et l’interpréter dans son ensemble afin de mettre en avant l’esprit du jeu. Vouloir uniformiser à tout prix toutes les décisions est dangereux. Chaque arbitre a sa personnalité, chaque match a son histoire. ». Les principaux acteurs du jeu, les joueurs, seraient sans doute d’accord.