Monaco-Matin

Le mont des Mules de Beausoleil a failli disparaîtr­e

Dès le début du XXe, le site fait l’objet de menaces répétées. En juillet 1916, un membre du conseil municipal suggère même de le raser ! Heureuseme­nt, des érudits et savants se sont fermement opposés à sa destructio­n

-

L’anecdote paraît presque irréelle – voire surnaturel­le – tant elle est farfelue. Et pourtant... le mont des Mules de Beausoleil – édifié par les population­s celto-ligures et classé Monument historique en 1939 – a bien failli être rayé de la carte ! Coupé. Décapité. Rasé. Comme une erreur de la nature... À l’origine de cette histoire rocamboles­que, deux événements majeurs. Tout d’abord, une menace répétée de « décapage » du mont des Mules. En effet, au début du XXe siècle, la commune autorise, à titre onéreux, la location d’une carrière de pierres dans les terrains communaux des Mules. Mais surtout, en 1909, François Raffaelli, conseiller municipal de Beausoleil et directeur du service des eaux de la SBM, projette carrément de créer des logements sur la colline en demandant le lotissemen­t et l’aliénation des terrains communaux des Mules.

Pourquoi cette volonté de saccager le site archéologi­que plutôt que de le préserver ? Rappelons qu’à cette époque, Beausoleil est une jeune commune, créée en 1904. Elle se construit et cherche des revenus. « Ainsi, le mont des Mules permettait d’entreprend­re de grands travaux sur Beausoleil, mais aussi sur la Principaut­é de Monaco en pleine expansion et de générer d’importante­s recettes communales », détaille Catherine Veran, responsabl­e du service Archives documentat­ion de Beausoleil.

Une véritable opération de sauvetage du mont

Heureuseme­nt, à cette époque, se créent quatre sociétés savantes et qui s’appuient sur un réseau de passionnés. Parmi elles, la Société de Préhistoir­e de France (SPF) – créée en 1904 et toujours active aujourd’hui – laquelle a eu un rôle déterminan­t dans le sauvetage du mont des Mules. À plusieurs reprises, les bulletins de la société attestent des projets réitérés de destructio­n du mont. « Il n’est pas possible de soustraire, par le classement, ce monument, aux méfaits de la spéculatio­n industriel­le », peut-il lire dans l’une des interventi­ons de la SPF. Cette dernière intervient même auprès des autorités compétente­s : le préfet et le soussecrét­aire d’État aux Beaux-Arts. De son côté, le chanoine Léonce de Villeneuve, premier directeur du musée anthropolo­gie Préhistoir­e de Monaco, profite d’un congrès internatio­nal pour se rendre au mont des Mules et obtenir le soutien du Prince Albert de Monaco pour la protection du site.

La pression est telle que le maire de l’époque – Camille Blanc – s’engage en 1909 à abandonner le projet de « décapiteme­nt ». De plus, l’édile de Beausoleil s’engage à en assurer « la conservati­on et la mise en valeur ». En 1911, le Comité des sites et promenades de Monaco et Beausoleil commence une action de reboisemen­t du site. Mais très vite, un nouvel événement menace la « crête » de la discorde. Le 1er juillet 1916, lors du conseil municipal de Beausoleil, Paul Lajoie – architecte et conseiller communal – accuse alors le mont des Mules d’être une ombre disgracieu­se sur Monaco et ses environs !

« Jeter à la mer le mont des Mules est un projet d’améliorati­on pratique »

Ainsi, devant le conseil municipal, Paul Lajoie livre des propos plutôt extravagan­ts : « Cette crête est noyée dans l’ensemble et sa disparitio­n ne gênerait pas l’aspect général (...) On pourrait tirer parti de ‘‘décapiteme­nt’’ de cette crête pour asseoir des jardins, routes et villas. » Et de conclure en apothéose : «En résumé, jeter à la mer la crête du mont des Mules est un projet d’améliorati­on pratique et artistique du sol de Beausoleil. »

À l’issue de cette interventi­on, les membres du conseil s’associent au maire Camille Blanc pour féliciter Paul Lajoie « de la clarté de son rapport si lumineusem­ent exposé ». Heureuseme­nt, le projet de Paul Lajoie est rejeté par le préfet. Ce dernier considère que raser le mont irait à contre-courant de la ligue de protection des sites.

Il est donc clair – qu’au début du XX siècle–lavilledeB­eausoleiln’entend Ene1924, l’élu François Raffaelli réitère pas protéger la vénérable colline. même sa propositio­n de logements sur la crête !

En 1938, les élus s’opposent même au classement du site, lequel représente « d’appréciabl­es revenus, soit par la location soit par la vente de ces terrains ». Finalement, le mont des Mules sera classé Monument historique par décret le 28 janvier 1939. En 1990, un sentier botanique et des panneaux d’informatio­n pédagogiqu­es sont installés à destinatio­n du public en 2006. D’ombre disgracieu­se, le mont des Mules richement boisé trône aujourd’hui fièrement au-dessus de la Riviera.

 ??  ?? En , le conseiller François Raffaelli, municipal, immobilier présente un projet sur le site du des Mules. mont Textes : Stéphanie WIÉLÉ avec l’aide précieuse des Archives municipale­s de Beausoleil Photos : Archives municipale­s de Beausoleil occupé par un oppidumMul­es abrite romaine. Le mont des et pendant l’occupation en  ! les Ligures, avant être rasé millénaire a failliPour­tant, ce site
En , le conseiller François Raffaelli, municipal, immobilier présente un projet sur le site du des Mules. mont Textes : Stéphanie WIÉLÉ avec l’aide précieuse des Archives municipale­s de Beausoleil Photos : Archives municipale­s de Beausoleil occupé par un oppidumMul­es abrite romaine. Le mont des et pendant l’occupation en  ! les Ligures, avant être rasé millénaire a failliPour­tant, ce site

Newspapers in French

Newspapers from Monaco