LA PAROLE EST AU PROCUREUR GÉNÉRAL
Installée à la succession de Jacques Dorémieux le 1er octobre dernier, est une pro-européenne de caractère et adepte du consensus dans une Principauté qu’elle découvre
Dans un long entretien accordé à Monaco-Matin, Sylvie Petit-Leclair, procureur général depuis le er octobre, se confie sur son parcours, sa perception de Monaco, sa conception du rôle de procureur général. Elle s’exprime aussi sur le « Monacogate » et l’indépendance de la justice en Principauté.
Originaire de Lorraine, Sylvie PetitLeclair voulait être journaliste. Cette juriste sans frontières de ans, passée par le siège, est désormais à la tête du Parquet unique de Monaco. Femme de caractère et de consensus, Madame le Procureur général sort de la promotion de l’École nationale de la magistrature. Fait ses gammes au tribunal de grande instance de Versailles et au cabinet du procureur général de Paris, puis met les voiles aux Pays-Bas et au Royaume-Uni comme magistrate de liaison au service de la France. Avant de retrouver La Haye et Eurojust, l’Unité de coopération judiciaire de l’Union européenne. Quelques mois après avoir succédé à Jacques Dorémieux, promis à une retraite qu’il entendait profiter à pêcher avant de rempiler à la surprise générale à la cour d’appel de Douai, Sylvie Petit-Leclair promet, elle, de tenir sa ligne.
« Tout ça pour dire que la justice est pourrie... »
L’indépendance de la justice monégasque a été pointée du doigt ces derniers temps…
Ça me rappelle l’épisode du rassemblement de policiers devant le Palais de justice (le novembre, en réaction à l’inculpation de deux haut gradés de la PJ dans le volet trafic d’influence de l’affaire BouvierRybolovlev, NDLR). C’était bien une preuve de l’indépendance du juge d'instruction ! Il a fait son job comme il estime devoir le faire. Avec ses Codes, ses procèsverbaux, ses interrogatoires, ses expertises… Quant à moi, je fais mon travail en toute indépendance, personne ne me demande rien.
La Justice et la police monégasques ont été malmenées par la presse sous l’étiquette d’un
« Monacogate ». Qu’en pensezvous ?
Je n'avais pas d'idées préconçues puisque je n'ai pas vécu cela, mais je déplore dans la presse nationale française, et un organe en particulier, le nombre d'informations qui ne sont absolument pas vérifiées. Ce qui m'indispose le plus, ce sont les amalgames. Le fait de parler de dossiers qui n'ont rien à voir avec les autres, bien sûr volontairement.
La liberté de la presse me paraît essentielle mais je ne peux même pas imaginer lire ça. Je ne suis pas monégasque mais je travaille pour Monaco et je suis ulcérée de voir que certaines personnes sont les intermédiaires entre les dossiers et la presse.
Ces informations ne sont ni objectives, ni complètes. Je connais de très grands journalistes et jamais ils ne travailleraient comme ça. Quel est l'intérêt de ces personnes ? Salir Monaco, on a bien compris, mais quel est le but ultime ?
Un mal-être vous a-t-il été exprimé, en interne, à votre arrivée ? Avez-vous eu à changer des choses ?
Ce que j'ai voulu éviter, c'est de faire une distinction entre les magistrats français et monégasques. Nous sommes trois magistrats français et deux monégasques, avec qui on travaille très bien. Ce sont deux très bonnes professionnelles, extrêmement loyales, et je ne me pose pas de questions. Je ne suis pas arrivée en me disant que j’avais à les rassurer.
La clé du problème, c'est d'être soi-même. Si je décide de modifier des habitudes prises par mes prédécesseurs ou des choses qui ne sont pas fondamentales, ce qui m'est arrivé, les gens ne seront peut-être pas contents mais je fais mon travail en mon âme et conscience, en toute transparence.
D’où les réunions régulières…
Oui. J'arrive à un moment où on me dit qu'il y avait une autre ambiance avant. Peut-être, mais moi je trouve qu'il y a une bonne ambiance. Les gens travaillent normalement. Que d'autres personnes cherchent à nuire à cette harmonie, on peut ne pas être d'accord mais on peut aussi se parler. C'est ainsi que la justice sera bien rendue.
Sur les réseaux sociaux, des blogs ou même des sites Internet dédiés depuis peu, certaines personnes connues en Principauté lancent des noms en pâture sur fond de complots, notamment entre francsmaçons. Avez-vous été saisie ?
C'est tellement facile de se cacher derrière les réseaux sociaux… J'ai un peu cessé de les lire parce que ça m'agace, en réalité c'est toujours la même chose. Je suis lorraine, je suis née pas loin de l'Allemagne, et je trouve tous ces amalgames avec la francmaçonnerie extrêmement dérangeants et horripilants. En plus, on va me chercher des listes de qui émanent, dit-on, d'un personnage important, mais les noms qui apparaissent sont toujours les mêmes. Qui est à l'origine de tout cela ? Nous le verrons bien.
Une enquête est en cours ?
En matière de diffamation et d'injures, je ne peux être saisie que sur la plainte des personnes concernées. Oui, il y a des enquêtes en cours sur ces points. Il y a aussi le problème des journalistes qui ne citent pas leurs sources, je le comprends tout à fait, mais je ne comprends pas que certains journaux ou hebdomadaires importants acceptent de publier. Je pense à un article sur des SMS qui sortent d'un dossier d'instruction et vous avez un encadré qui parle d'une affaire civile. Quel est le lien ? Tout ça pour dire pour dire que la justice est pourrie… Moi, je souhaite que la justice monégasque ait une belle image, notamment à l'international.