Monaco-Matin

« Je demande de la loyauté »

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Avez-vous constaté une célérité de la justice à Monaco ?

Les dossiers sont traités pratiqueme­nt au jour le jour, ça n'a rien à voir avec les Parquets français. Quand vous rentrez dans un bureau de procureur ou de substitut, vous avez des piles partout, des bureaux d'ordre où arrivent toutes les procédures avec énormément de retard. Ici, ça n'existe pas.

Vous prônez le travail d’équipe, vous n’avez donc aucun mal à déléguer ?

Ça me paraît extrêmemen­t important au sein d'un Parquet, y compris d’impliquer le secrétaria­t. Toute ma vie, j'ai essayé de faire participer les greffiers en France, parce que je pense que quand on fait un travail tout en comprenant ce qu'on fait, on le fait beaucoup mieux. J'implique toujours mes collègues quand je dois prendre une décision délicate ou sensible et j'ai toujours vu les grands procureurs généraux que j'ai connus travailler ainsi. En plus, les personnes ont un recul et une expérience ici que je n'ai pas, même si je la comble chaque jour.

Une coopératio­n qui s’étend au-delà du Palais de justice ?

Il est important de travailler de la même manière avec d'autres institutio­ns, comme la Sûreté publique ou les avocats. J’ai d’ailleurs organisé des réunions avec le président du Tribunal de première instance et le bâtonnier quand on a rencontré des problèmes. On peut avoir des divergence­s de vues mais une fois qu'on a discuté, c'est plus facile. J'ai aussi organisé une réunion entre les experts-comptables et la police sur les enquêtes.

Vous restez la capitaine, celle qui assume les décisions…

J'assumerai mes responsabi­lités mais je demande de la loyauté. J'ai toujours agi comme ça avec la police en France, à demander qu'on m'explique les choses et qu'on vienne me parler des difficulté­s qu'on a dans une enquête. On règle les choses ensemble et, après, ce sera ma responsabi­lité. Il faut savoir s'entourer des bonnes personnes et les mettre en confiance, avoir tous les éléments à dispositio­n.

Quels sont vos rapports avec les juges d’instructio­n ? Notamment Morgan Raymond et Édouard Levrault, tous deux en charge des volets civils et pénaux de l’affaire Bouvier-Rybolovlev ?

J'entretiens les meilleures relations avec eux. J'ai été juge d'instructio­n et j'ai été au Parquet, travaillan­t avec les juges d’instructio­n. Ce n'est pas un travail d'équipe mais ne pas se parler n'est pas dans mon tempéramen­t. J’ai d’ailleurs mon caractère et je sais aussi me mettre en colère. Nous travaillon­s en bonne intelligen­ce et transparen­ce sur ces dossiers-là. Il n’y a pas de difficulté­s et MM. Levrault et Raymond ont chacun leur caractère.

Juger, c’est s’appuyer sur des textes. Mais c’est aussi plus subjectif parfois. Quel rapport avez-vous avec la prise de décision ?

Il faut essayer de faire abstractio­n de cela. On retombe dans les difficulté­s quand on n'a pas de textes mais ça a été aussi mon école britanniqu­e où le Juge fait la balance entre des intérêts divergents pour voir le plus important. Il faut avoir un peu de souplesse et être très pragmatiqu­e. Vous pouvez avoir une décision merveilleu­se que le justiciabl­e imprimera dans son salon ; mais s’il ne peut pas l'exécuter, je ne vois pas trop l'intérêt. Quand les gens sont en face de vous, il y a le Code et la loi, mais parfois je préférais la conciliati­on en tant que juge d’instance. C'était peut-être moins juridique mais au moins tout le monde était content. Mais ici on travaille pour l'intérêt de la société, c’est différent.

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