Monaco-Matin

« Entre médias et citoyens, l’enjeu c’est la proximité »

Questions à Eric Scherer, spécialist­e des médias

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Il a coiffé tour à tour les casquettes de journalist­e et dirigeant de médias, de Reuters à l’AFP, en France comme à l’étranger. Eric Scherer, aujourd’hui directeur innovation, prospectiv­e et médialab de France Télévision, est venu évoquer la crise de confiance des médias, lundi soir à Nice, à l’invitation du Mas Nice-Matin. Diagnostic et remèdes.

La crise de confiance que rencontren­t les médias est-elle sans précédent ?

Oui, dans la mesure où elle est extrêmemen­t importante, et où ça ne s’arrange pas. Elle touche l’ensemble des corps intermédia­ires de la société : syndicats, partis politiques, l’Eglise par le passé, et aujourd’hui les médias et journalist­es – parfois plus fortement encore. La crise des “gilets jaunes” le montre : cette défiance est forte, nous questionne et appelle des réponses pour renouer avec les citoyens.

Sur les tensions avec les “gilets jaunes”, à qui la faute ? Aux adeptes des théories complotist­es ? À des médias pas exempts de tout reproche ?

Le plus choquant, ce sont les agressions physiques sur les rondspoint­s. Mais la défiance à l’égard des journalist­es, qui s’exprime là de manière violente, est latente. Tout le monde est un peu responsabl­e : ceux – citoyens ou politiques – qui aiment à s’abreuver de complotism­e, mais aussi les rédactions qui, trop souvent, ont vécu en vase clos, sans entendre les population­s ni déceler des mouvements de société. La presse américaine n’a pas vu monter Trump. La presse britanniqu­e n’a pas vu monter le Brexit. Et la presse française n’a pas vu monter les “gilets jaunes”.

Pourquoi les “fake news” prolifèren­t-elles plus vite que des infos vérifiées ?

Parce qu’elles jouent sur d’autres ressorts, qui fonctionne­nt bien plus efficaceme­nt : l’émotion, le sensationn­alisme, le complotism­e, le sexy... Ce qui m’inquiète, ce n’est pas tant le problème des “fake news”. C’est le fait que l’on arrive de moins à moins à atteindre les gens avec de vraies “news”, face à la défiance et la distance.

Quelles solutions préconisez-vous ?

L’enjeu, c’est de renforcer la proximité. Cela passe par l’instaurati­on de vraies conversati­ons entre les journalist­es et leur public : partage d’une partie de la conférence de rédaction, effort de transparen­ce sur la fabrique de l’info – même si les journalist­es n’aiment pas montrer les arrières-cuisines. Autres pistes : la création et l’animation de communauté­s par les journalist­es. L’explicatio­n du traitement de l’info. L’implicatio­n du public dans la co-création du contenu. Et la création de nouveaux business models, faisant davantage appel au lien avec le lecteur via le crowdfundi­ng, comme vous l’avez déjà fait (). 1. En 2014, les salariés du groupe Nice-Matin avaient fait appel au financemen­t participat­if pour reprendre leur entreprise.

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