Monaco-Matin

Kubica le phénix

- Textes : Thomas MICHEL tmichel@nicematin.fr

transperce son véhicule d’avant en arrière. Pour quelques centimètre­s, Kubica et son copilote échappent au pire. Un miracle. Le diagnostic fait froid dans le dos : “sub-amputation” de l’avant-bras, double fracture du radius et du cubitus, fracture ouverte du coude et de l’épaule droite, fracture de l’humérus, multiples fractures au tibia et au péroné, tendons sectionnés au genou droit… Le visage tuméfié, Kubica est héliporté vers un hôpital proche de Savone, où les médecins le plongent dans un coma artificiel. S’ensuivent sept heures de bloc opératoire, où sept chirurgien­s s’affairent à reconstrui­re son avant-bras droit, que seuls quelques tissus maintienne­nt par endroits.

« J’étais droitier, je suis gaucher »

Quelques jours après l’interventi­on, le Dr Igor Rossello, à son chevet, se veut rassurant. « Sa main est, pour le moment, dans de bonnes conditions vu que le patient a pu faire des mouvements simples avec les doigts, ce qui donne de l’espoir. »

Débute une longue traversée du désert pour le pilote qui, 18 opérations et quelques dizaines de courses de rallye plus tard, retrouve les paddocks de Formule 1 en 2017. Une renaissanc­e appuyée un temps par le champion du monde 2016 et triple vainqueur à Monaco, Nico Rosberg. « Aujourd’hui, les techniques opératoire­s en matière d’orthopédie et de traumatolo­gie ont fait énormément de progrès et permettent, dans un certain nombre de cas, de redonner une fonction quasi-normale à un membre qui, au départ, pouvait paraître, sinon perdu, extrêmemen­t abîmé. On sait désormais transposer des nerfs ou greffer des artères abîmées. On fait beaucoup de choses avec la peau aussi », commente le Dr Brigitte Pasquier, adjointe du Dr Robert Scarlot à la présidence de la Commission médicale de l’Automobile Club de Monaco et membre de la Commission médicale de la FIA. Au-delà des stigmates visuels de cet accident, Kubica résume son impact sur son quotidien d’une phrase : « J’étais droitier et maintenant je suis gaucher. »

« Le corps s’adapte à la réalité »

Quelques années plus tard, des tests passés dans une clinique spécialisé­e révèlent des résultats bluffants. « Mes résultats de précision, de vitesse et de force du bras gauche étaient au moins 35 % meilleurs que les meilleurs qu’ils aient jamais vus. Je ne sais pas comment, mais le corps s’adapte à la réalité. Si l’on a deux mains et qu’on est en bonne santé, on n’a pas besoin d’être si précis avec un bras en particulie­r. Par exemple, je pilote à 70 % avec la main gauche et à 30 % avec la droite. Si je tentais 50/50 comme à l’époque, je n’y arriverais pas. »

« Comme tous ces athlètes gravement blessés, c’est là qu’on dénote une volonté de surprendre. Ils ont cette passion qui les fait courir, cette capacité à aller plus vite que les autres », note le Dr Pasquier, qui rappelle l’exigeant cahier des charges édicté par la FIA en matière de suivi médical, notamment l’appendice L du Code sportif de la FIA. « Tous les pilotes passent les mêmes batteries de tests et un pilote qui fait une demande spécifique après un accident grave passe des tests orientés. Lorsqu’ils reviennent à la compétitio­n. leur dossier médical est présenté par un médecin fédéral ou appartenan­t à la commission médicale du pays. L’Autorité sportive nationale – l’organisate­ur du pays – présente alors ce dossier visé par un médecin délégué de la FIA à une commission spécifique et il est éventuelle­ment discuté et voté en Commission médicale de la FIA. »

Autant de filtres qui ne laissent aucun doute sur le bienfondé du feu vert donné à Robert Kubica.

« Je suis très détendu quand je pilote »

Sa Super Licence retrouvée, Kubica réfute conduire à une main, et prétend même avoir un style de conduite qui a facilité sa réadaptati­on. «En 2010, en qualificat­ions, je passais Eau Rouge [circuit de Spa-Francorcha­mps, NDLR] avec une seule main parce que je couvrais le trou en direction de l’aileron arrière. C’était bien plus dangereux que mon pilotage actuel car, là, je pilotais vraiment avec une seule main. Bien sûr, il y a des moments où je pilote avec seulement la main droite ou la main gauche en ligne droite, mais c’est automatiqu­e. J’ai beaucoup de chance, car le pilotage n’a jamais été très physique pour moi. Je suis très détendu quand je pilote. J’ai discuté avec d’autres pilotes qui doivent tenir le volant [à deux mains], sinon ils n’y arrivent pas. »

Des concurrent­s qui n’en gardent pas moins un temps d’avance sur lui, qui « repart pratiqueme­nt de zéro ». Au point, à la veille du premier GP de la saison, en Australie, de se considérer comme un « rookie ».

Plus ergonomiqu­es et bardées de commandes au volant, les nouvelles monoplaces ont assurément adouci son retour mais Williams attend autre chose de lui. «Ses qualités en matière d’ingénierie vont nous servir dans le développem­ent de notre prochaine monoplace », confie ainsi Claire Williams, team principale adjointe de l’écurie de Grove, en Angleterre.

 ??  ?? En bas : Kubica et la BMW-Sauber en  à Monaco. En haut : Kubica sur le podium (e) du GP de Monaco , derrière Webber et Vettel. À droite : Kubica le revenant, hier. (Photos J.-F. Ottonello et F. Chavaroche)
En bas : Kubica et la BMW-Sauber en  à Monaco. En haut : Kubica sur le podium (e) du GP de Monaco , derrière Webber et Vettel. À droite : Kubica le revenant, hier. (Photos J.-F. Ottonello et F. Chavaroche)

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