La vie, la mort et nous
Pour une fois, voilà un débat qui n’est pas manichéen. Le drame de Vincent Lambert et sa famille, devenu par compassion et projection celui de chacun d’entre nous, bouscule les certitudes et les clivages. Que l’on raisonne du point de vue de la société, en balayant tout affect sur l’autel de la sagesse médicale, et l’acharnement thérapeutique semble alors évident. Mais que l’on se mette un instant à la place de la maman de Vincent, et tout bascule. Tous autant que nous sommes, nous nourririons sans doute le même espoir insensé de miracle, si égoïste soit-il. L’hystérie mystique de ceux qui ont fêté la reprise des soins comme un but en pleine lucarne ne change rien au fond de l’affaire. L’ordre social et le désordre intime se percutent ici à l’infini, toute décision étant vouée à n’être qu’un pis-aller mortifère. La solution réside, en partie, dans les directives anticipées promues
par les lois Leonetti de et . Mais dans les faits, le milieu du gué est encore bien loin. Seuls % des Français, surtout ceux de plus de ans, auraient rédigé leurs directives. Un total stable depuis trois ans. Forcément. Nous sommes ainsi constitués que nous répugnons à envisager le pire. Et lorsque nous y parvenons, une foutue couardise doublée de superstition nous pousse à replonger la tête dans le sable. Le sort de Vincent Lambert n’est que le prélude de cas de conscience à répétition promis par les progrès de la science. De la genèse à l’extinction, il va falloir les trancher tant bien que mal, dans un improbable maelström d’émotions, de droit et de médecine. Avec le recul, la légalisation de l’avortement, en , apparaît d’une simplicité biblique. Elle fait consensus sur sa nécessité sociale, en laissant qui considère toute parcelle de vie intouchable libre de ne rien sacrifier à titre personnel. Légiférer sur la gestation pour autrui s’annonce plus coton : le risque de marchandisation des corps est patent. Mais le désir d’enfant inabouti, pour qui le vit dans ses tripes, se rapproche de la douleur de Viviane Lambert. Cornélien, vraiment…
« La vie, la mort, on entre, on sort, c’est tout », a chanté Sardou. Parce que nous sommes humains, trop humains, et si forts à repousser les limites, c’est devenu plus compliqué que ça.
« Seuls 13 % des Français auraient rédigé des directives anticipées. »