Monaco-Matin

Le Grand Prix de Monaco dans la mémoire des aînés

Depuis neuf décennies, au printemps, le coeur de Monaco palpite au rythme des moteurs et des tours de piste. Mieux que les livres ou les coupures de presse, les anciens partagent leurs souvenirs

- PROPOS RECUEILLIS PAR LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Quatre-vingt-dix ans. Des dizaines de milliers de tours de circuit. Des centaines de fêtes en tous genres. Des dizaines de podiums. Quelques accidents. Des tragédies. Mais surtout, un rendezvous. Attendus pour certains, redouté par d’autres. Mais un rendez-vous populaire.

La presse en a parlé, les archives regorgent d’anecdotes. Mais il y a mieux. Il y a ceux qui ont vécu ces moments, et qui sont encore là aujourd’hui pour en parler.

Ils s’appellent Jacqueline, Charles, Louis, Marie-Christine, Gérard, Josette, ou Pierre… Ce lundi, ils étaient une dizaine de résidents d’A Quietudine à avoir répondu à notre appel. Une dizaine d’aînés, qui ne demandent pas mieux que d’ouvrir le grand livre de leurs souvenirs. Et s’ils ne caracolent pas dans les couloirs, ils ont encore toute l’énergie de leur vingt ans quand il s’agit d’évoquer le Grand Prix de Monaco. Voici un florilège de leurs souvenirs, tels qu’ils nous les ont racontés.

Rendez-vous

Depuis le début, le Grand Prix, par son ampleur et sa situation au coeur de la Principaut­é, fait partie intégrante de la vie locale : « C’était un événement important. C’était le seul circuit qui se faisait en ville à l’époque. C’était magnifique et poignant, parce que les voitures anciennes étaient moins sophistiqu­ées. On voyait encore les pilotes en ce tempslà. »

Et parfois même, ça servait de réveille-matin : « À l’époque, les essais du vendredi commençaie­nt à 5 h du matin. Ça réveillait les gens ! Et ça durait jusqu’en fin de matinée. »

C’était aussi l’occasion de retrouvail­les : « Chaque année, nous avions des amis italiens qui venaient exprès nous voir à cette époque de l’année pour assister au Grand Prix. Nous allions pique-niquer sur les rochers brise-lames qui étaient en face du bureau de tabac. » La course faisait partie de la vie de la cité, et ses habitants y ont toujours participé activement : « Mon plus beau souvenir, c’est d’avoir été commissair­e de piste. J’avais 20 ans. À l’époque, tous les jeunes y participai­ent. Les voitures passaient vraiment près de nous. »

Les accidents

Difficile d’évoquer les souvenirs sans parler des plus spectacula­ires. Si le Grand Prix de Monaco est considéré comme l’un des plus sûrs du monde, cela n’a pas toujours été le cas. «Ily avait plus d’accidents que maintenant. Il faut dire qu’avec les bottes de pailles, c’était moins sécurisé. » Ces mêmes bottes de paille qui ont contribué au seul accident mortel du tourniquet monégasque : « Je me souviens de l’accident de Bandini en 1967. J’étais dans le circuit, au niveau des Gazomètres. Ça m’a vraiment marquée. J’ai vu la voiture prendre feu. »

Les technologi­es n’étaient alors pas les mêmes : «Ace moment-là, sur le circuit, on ne savait pas ce qui se passait si on ne le voyait pas directemen­t. »

Mauvais souvenirs

S’il enthousias­me depuis toujours la plupart des gens, un événement de cette ampleur ne peut pas remporter tous les suffrages : « Pour nous, c’était un poison quand il y avait le Grand Prix. On était pêcheurs. On n’arrivait pas à sortir de chez nous et à aller au bateau. Alors on dormait en bas, au port, dans un cabanon que l’on aménageait. On avait mis un lit et une cuisinière. Et on entendait passer les voitures au-dessus de nous, ça faisait un boucan ! On dormait là pour aller remonter les filets à 4 h du matin. On a fait ça pendant 10 ans, je vous dis pas la vie que c’était. Je les ai bénis plus d’une fois. »

Pour ceux que le sport ne passionnai­t pas, et qui devaient assurer pour la famille, cela relevait plus de la corvée : « Je ne trouvais pas ça très intéressan­t, parce qu’il fallait toujours aller très tôt le matin, au tournant des Gazomètres, pour garder la place. Après, vers midi, les parents arrivaient avec les paniers et le pique-nique. »

Star locale

Depuis l’an dernier, la vedette locale, c’est Charles Leclerc. Mais ici, on se souvient aussi de la vedette d’antan : « Mon père avait le garage Citroën, où est maintenant l’Automobile club. On se mettait devant, et on les voyait passer là, juste sous nos yeux, c’était quelque chose ! Nous étions amis avec tous les coureurs, et un jour, Chiron a proposé à ma mère de la déposer en voiture. Elle était malade en arrivant, tant la course avait été mouvementé­e. Il faut dire qu’en tant que vedette locale, Chiron bénéficiai­t de la tolérance de la police. »

La moto

Il y a eu, jadis, un Grand Prix moto, mais qui n’a jamais été reconduit : « En 1948, il y a eu le seul Grand Prix moto. Il y a eu le départ, qui s’est bien passé. Et au deuxième tour, un des pilotes est allé tellement vite qu’il a raté son virage et il a tapé dans la barrière. J’étais avec le médecin à ce moment-là, il m’a demandé de venir avec lui. Il a soulevé le casque et il a dit : “Ne bouge pas, y a tout qui vient”. C’était fini. Il n’y a plus jamais eu de Grand Prix moto. »

 ??  ?? Cette photo a été prise par Jean-Bernard Rollin, passionné d’aviation et de photograph­ie, lors du Grand Prix de . On y voit le chantier de la caserne des pompiers à la place des gazomètres. Le Yacht-Club n’existe pas encore, ni le quai Rainier III. On voit aussi que le port était alors beaucoup moins fréquenté qu’aujourd’hui à la même période. (Photo JB Rollin)
Cette photo a été prise par Jean-Bernard Rollin, passionné d’aviation et de photograph­ie, lors du Grand Prix de . On y voit le chantier de la caserne des pompiers à la place des gazomètres. Le Yacht-Club n’existe pas encore, ni le quai Rainier III. On voit aussi que le port était alors beaucoup moins fréquenté qu’aujourd’hui à la même période. (Photo JB Rollin)
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