Européennes : les cinq enjeux
Le scrutin de demain aura des conséquences non négligeables sur l’orientation de l’Union européenne mais aussi – devenu référendum pro ou anti-Macron – sur la suite du quinquennat
Depuis jeudi et jusqu’à demain soir, 427 millions d’Européens sont invités à dire quelle Europe ils souhaitent. Y compris les Britanniques, dont le processus de départ court jusqu’à l’automne, qui ont voté dès jeudi. Dans un premier temps, 751 eurodéputés vont donc être élus, qui tomberont à 705 une fois le Brexit entériné.
La France aura quant à elle 74 élus, qui monteront à 79 lorsqu’une partie des sièges britanniques sera redistribuée. Chez nous, seules les listes qui auront obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés obtiendront des eurodéputés. Cette élection apparaît comme un moment charnière de la construction (ou de la déconstruction) européenne. De vagues migratoires en reproches technocratiques, l’Union européenne a, ces dernières années, concentré les attaques. En 1979, lors de la première élection du Parlement européen au suffrage universel, 62 % des électeurs continentaux s’étaient déplacés. Depuis, la participation n’a cessé de décroître, pour tomber à 42,61 % en 2014. Quel sera cette fois « l’engouement » ? C’est la première interrogation d’un scrutin qui en présente cinq autres principales, à la double échelle française et européenne.
RN ou LREM : qui devant ?
Commençons par le petit bout de la lorgnette et les enjeux hexagonaux. Inutile de jouer les Tartuffe, ce sont ceux-là qui seront scrutés en priorité demain. Qui, du Rassemblement national ou de la liste Renaissance menée par Nathalie Loiseau, arrivera en tête ? Le résultat semble devoir se dénouer dans un mouchoir de poche. Longtemps en tête d’un point dans les sondages, LREM et ses alliés sont désormais donnés devancés du même écart par la liste de Jordan Bardella.
Un petit point, dans un sens ou dans l’autre : cette quantité négligeable fera pourtant toute la différence. Le chef de l’État ayant décidé de faire le jeu de ses adversaires, en confortant par un engagement maximal l’idée que cette élection est, en France, un référendum pro ou anti-Macron, il en subira toutes les conséquences, positives ou négatives. La liste Renaissance devancée, il se retrouverait de nouveau très fragilisé. Et, sans doute, contraint de changer de Premier ministre plus vite que prévu.
Les Républicains requinqués ?
Cette élection aura aussi valeur de test pour Laurent Wauquiez et Les Républicains. Profondément divisés après le naufrage de la présidentielle, ils ont repris du poil de la bête depuis quelques semaines. Leur tête de liste inattendue, François-Xavier Bellamy, n’y est pas pour rien. Des idées fermes mais une manière plus policée de faire de la politique, sans anathèmes incessants, lui ont valu une petite percée, qui n’était pas acquise au départ, et le soutien inattendu de cadres, à l’image de Christian Estrosi, qui avaient depuis 2017 pris quelques distances avec leur parti.
Reste que LR ne pointe qu’autour de 14 % dans les sondages, encore loin des 20 % déjà calamiteux de François Fillon au premier tour de la présidentielle. Pour retrouver une stabilité durable, la liste LR devra s’approcher le plus possible de ce seuil. Sans quoi, l’agitation pourrait vite reprendre de plus belle…
La gauche en lambeaux ?
Ce qui vaut pour la droite vaut plus douloureusement encore pour la gauche, éclatée façon puzzle. A en croire les sondages, elle est toujours au plus bas. A se demander où sont passés ses électeurs… Si La France insoumise et EE-LV paraissent en mesure de sauver les apparences avec des scores modestes mais leur offrant quelques députés à la clé, Benoît Hamon creuse toujours pour trouver des voix. Et le PS, qui a choisi de se glisser dans le sillage de Raphaël Glucksmann, n’est pas sûr de franchir la barre des 5 % (contre 14 % en 2014). S’il n’y parvenait pas, après ses 6,35 % à la présidentielle, ce serait d’abord son échec, avant d’être celui du philosophe derrière lequel il s’est caché. Quelques secousses à la clé, forcément, pour Olivier Faure et la direction actuelle du parti.
Quelle poussée souverainiste ?
A l’échelle européenne, la principale interrogation porte sur l’ampleur de la poussée nationaliste. Les souverainistes sont crédités par les derniers sondages d’environ 180 députés, soit une progression d’une trentaine de sièges. Elle serait loin de leur conférer une majorité, d’autant que les mouvances eurosceptiques sont éclectiques et divisées en trois groupes. Leur score aggloméré, autour de 24 %, pourrait toutefois en faire dimanche la première force, apparente et relative, du Parlement européen.
Quelle gouvernance ?
La dernière incertitude du scrutin porte, par ricochet, sur le recul de la coalition modérée qui, de fait, a gouverné l’Europe jusqu’ici. Le PPE, Parti populaire européen, alliance de la droite européenne où siègent les élus LR, paraît promis à un recul. Premier groupe de la précédente mandature, avec 217 élus pour 29 % des voix, il risque de voir son hégémonie rabotée. Les sondages ne lui prédisent plus que 22 % et 168 sièges. Le groupe de centre gauche des Socialistes et démocrates, qui compte 187 élus, n’est pas mieux loti. Il pourrait en perdre une quarantaine, en chutant à 19 % des suffrages contre 25 % en 2014. Du coup, pour continuer à gouverner l’Europe, PPE et SD auront sans doute besoin de l’apport des Libéraux et démocrates, que rejoindront les élus « marcheurs » français, sur un potentiel évalué à une centaine d’eurodéputés. Les écologistes, quant à eux, bénéficieront-ils de la prise de conscience de l’urgence climatique ? Les sondages n’en témoignent pas pour l’instant, qui les laissent peu ou prou sur leur étiage actuel d’une cinquantaine d’élus. Le rapport de force entre les uns et les autres déterminera enfin le choix du futur président de la Commission européenne, traditionnellement proposé par les États au regard des équilibres électoraux. Parmi les candidats déclarés ou supputés pour succéder à JeanClaude Juncker : l’Allemand Manfred Weber (PPE), le socialiste néerlandais Frans Timmermans, la libérale danoise Margrethe Vestager, ou encore l’ancien ministre français Michel Barnier (LR)…