Monaco-Matin

Michel Fugain : « A présent, je peux tout dire à mon public »

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr Fugain ou fugueur ? Des rires ou des larmes ?

soixante-dixsept ans, j’ai encore le temps. J’ai un bon coeur, mon pancréas va très bien, je peux encore aller au charbon, être combatif, j’ai toujours envie. Et puis, la scène est un espace hors du temps, de rajeunisse­ment. C’est de plus en plus plaisant ».

C’est un grand enfant de soixantedi­x-sept ans, à l’enthousias­me débordant. Espiègle, rebelle, tel un garnement. Amoureux exalté comme un jeune amant. Michel Fugain, comme si tout devait finir demain. Profondéme­nt humain. Avec passions et contradict­ions. Toujourspr­êtàfairesa­révolution­enchansons. Son Big Bang, depuis le Big Bazar. À chaque époque, des tubes en compilatio­n. Et puis cette Causerie musicale où il retrace sa carrière façon tournée des vieux (po) potes. Un spectacle hommage à quatre figures tutélaires (Pierre Delanoë, Maurice Vidalin, Claude Lemesle, Brice Hans), merveilleu­x paroliers qui n’ont jamais écrit de paroles en l’air, si ce n’est les siens... À Mandelieu, leurs portraits se sont invités sur la scène du théâtre Robinson. Avec eux, l’insulaire adopté par la Corse ne se sent jamais seul. « Je raconte les coulisses de la création à travers ces grands auteurs car ce sont les hommes de ma vie, balance Fugain. Si je chante, c’est grâce à eux, et c’est aussi mon portrait en creux. À la fin, j’ai l’impression que les gens me connaissen­t mieux ».

Libre pour faire comme l’oiseau, Michel Fugain oeuvre toujours avec fièvre, comme s’il n’avait pas le temps. Agite Le Chiffon rouge, déverse L’eau qu’on boit. Et son répertoire trouve toujours écho dans notre mémoire,

depuis plusieurs génération­s.

« Il ne faut jamais séparer un texte et sa musique, c’est ce qui fait toute la force d’une chanson à travers le temps », décrète-t-il.

Les mots, le son. L’émotion à l’unisson.

« À condition que celui qui la transmet soit honnête, car pour certains, ce n’est parfois qu’un métier de pognon. Mais un spectacle, c’est fait pour ça, propager une émotion, sinon autant regarder la télé ! » Lui se dépense sans compter. Passe du récit à la chanson avec la même générosité. Donne corps au texte, et voix à l’interprète. Choeur à l’ouvrage. Saltimbanq­ue du plaisir partagé. « Notre rôle dans la société, ce n’est pas de se regarder le nombril, mais de toucher au coeur des gens. Ça, je n’en démords pas ! ».

Une trentaine de titres et pour chacun, une anecdote dont on pourrait dire : « c’est une romance, c’est une belle histoire ». L’ivresse d’un soir à Montréal avec l’ami Robert Charlebois pour Les Acadiens. Le réveil nocturne et impromptu de Delanoë, «ceSamu des chansons », pour accoucher du splendide Bravo Monsieur le Monde en une heure et demie à peine… Des coulisses passionnan­tes, révélées sur scène à ciel ouvert. Avec tout l’art de se rendre pop’ulaire. Et toujours la forme, pour faire résonner le fond. Troubadour trublion. Même si la montée électorale du Rassemblem­ent national prouve que La Bête immonde n’a pas pris une ride, depuis la percée Front national en 1995. «On constate la même chose en Autriche, en Pologne, en Hongrie... C’est pas le fascisme qui est derrière l’émergence des extrêmes, mais une médiocrité de la pensée ».

Engagé ? « Un artiste doit aussi dire des choses, mais il n’est pas tenu d’être intelligen­t tout le temps ! ». Qu’importe. Avec les textes des autres, Michel porte aussi sa (bonne) parole. Sans tabou ni retenue.

« Maintenant, j’ai l’impression que je peux tout dire à mon public, mais c’est aussi parce que je l’aime ».

Alors vas-y Michel, cause toujours, car oui, tu nous intéresses. Mais surtout, Chante la vie, chante… Big Bazar ou gros rangement ? Le Big Bazar, ça brasse tellement que ça fout le bordel, mais c’est aussi là que les choses surnagent et peuvent rentrer dans l’ordre, que la vérité se fait. Fugain. Je prends volontiers la suite de mon père, de mon grand-père, je suis de cette lignée humaniste : un montagnard de Grenoble, mais qui est devenu plus Corse que dauphinois. Depuis ma découverte de l’île, je suis en osmose totale avec la Balagne et ce peuple-là. Des rires, mais s’il n’y a que ça, peut-être qu’on s’ennuie… (puis plus grave, réellement ému) Je me serais bien passé d’une larme, terrible et sinistre [allusion au décès de sa fille Laurette, ndlr], mais quand tout baigne, on se dit qu’on va le payer un jour. Là, je l’ai payé très cher…

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(Photo Clément Tiberghien) Michel Fugain, à Mandelieu : «À

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