La grande explication dans les Alpes
Après deux journées de transition à Nîmes, mardi, et hier à Gap, le peloton prend ce matin la direction des Alpes. Pour trois journées corsées, avec encore six vainqueurs potentiels
Cols de Vars, d’Izoard et du Galibier. Des noms qui font frissonner. Aujourd’hui, le peloton change radicalement de décor et s’apprête certainement à vivre l’étape la plus difficile de cette édition 2019. Ces trois terreurs, qui culminent toutes à plus de 2000 m d’altitude (une première catégorie, deux hors catégorie), et plus de 4000 m de dénivelé vont livrer un premier verdict. Avec six coureurs pointés en 2’14’’, la course reste indécise – et c’est ce qui fait la magie de cette Grande Boucle. Le sera-t-elle encore ce soir ? Alaphilippe et sa minute trente-cinq secondes d’avance sur Thomas va-t-il encore résister, lui qui a connu sa première défaillance dimanche dans la dernière étape pyrénéenne ? Pinot va-t-il de nouveau dominer les étapes de montagne ? Ineos va-t-elle retrouver de sa superbe ?
« Prêt pour me faire mal et défendre ce maillot »
« Il y a beaucoup d’interrogations et plein de théories toutes aussi valables les unes que les autres, estime Bernard Thévenet, double vainqueur du Tour (1975, 1977). En tout cas, ça fait longtemps qu’on n’avait pas eu un Tour avec autant de vainqueurs potentiels si proches de l’arrivée et ça fait du bien. »
Pour l’heure, Alaphilippe reste le Maillot Jaune et bien déterminé à vivre une quatorzième journée dans son paletot fétiche. Hier soir à Gap, le Tricolore avait retrouvé son sourire qui le caractérise. « J’ai vécu une journée tranquille, en mode économie, ça fait du bien. J’essaie de tout bien faire pour ne pas avoir de regrets, de canaliser mon énergie. Je prends sur moi pour ça, a expliqué le jeune homme au tempérament de feu. Physiquement, j’ai mal aux jambes comme tous les autres. Mais mentalement, je n’ai jamais été aussi prêt pour me faire mal et défendre ce maillot que je ne pensais pas porter. »
Bernal : « Pas sûr qu’Alaphilippe craque »
Pour revenir sur le numéro 1 mondial, ses adversaires n’auront pas d’autre choix que de passer à l’offensive dès cet après-midi. En première ligne, on retrouve les deux coureurs d’Ineos, Bernal (5e à 2’02’’) et Thomas (2e à 1’35’’), une formation plus habituée à gérer son avance qu’à chasser des secondes. « Je suis enthousiaste car les Alpes arrivent enfin, assurait hier soir le jeune Colombien. J’ai de bonnes sensations et c’est mieux d’avoir deux cartes à jouer. Si je dois rouler pour Geraint, je le ferai. Je ne suis pas sûr qu’Alaphilippe craque. À chaque fois, on dit qu’il craquera le lendemain et il tient. »
Le seul coureur qui a réussi jusqu’à présent à créer de véritables écarts en montagne se nomme Thibaut Pinot. Le leader de Groupama-FDJ n’a cessé de répéter qu’il ne s’attaquera pas frontalement à son compatriote, mais nul doute qu’il compte bien surfer sur sa forme du moment pour planter une nouvelle banderille. Depuis ses deux numéros pyrénéens, le Franc-comtois est devenu le favori du Tour. C’est peu dire qu’il sera attendu par la concurrence sur cette seule étape alpestre que la formation de Marc Madiot n’a pas reconnue (le Galibier était encore enneigé lors de leur stage).
Pinot, homme à battre
« Toutes les étapes sont à redouter, estimait hier Philippe Mauduit, son directeur sportif. On l’a vu avec la chute de Fuglsang (mardi) : à chaque instant il peut se passer quelque chose. À nous d’être concentrés sur ce qu’on a à faire. Thibaut est le favori, mais c’est le cas depuis le début du Tour, au même titre que Thomas, Bernal, Fuglsang, Porte... Ça n’a rien d’exceptionnel. Pas plus aujourd’hui qu’il y a huit jours. Pour nous, ça ne change rien, c’est la même approche de la course. »
Voilà pour le discours officiel, mais dans les faits, le vainqueur du Tourmalet va devoir affronter les Alpes avec ce statut d’homme à battre. Et contrairement à demain et samedi, l’étape du jour ne finit pas au sommet, mais à Valloire, près de 20 kilomètres après le sommet du Galibier. Le tout avec des orages annoncés dès 14 h par Météo France. « J’espère que ça ne se jouera pas dedans, reprend Thévenet. Car la descente du Galibier, quand c’est mouillé, c’est du sport. Cette étape est usante, mais c’est plus une étape piège, plus une journée où un coureur peut perdre le Tour que le gagner. » En clair, ce soir, ils ne seront sûrement plus six à rêver de la plus haute marche du podium à Paris.