Patrick Bruel : « Il faut se parler, se dire les choses »
Comment se réinventer en restant soi-même ? Patrick Bruel nous en a fait la démonstration lors de son concert au festival du château à Solliès-Pont, jeudi dernier, guitare en bandoulière, devant un écran dernier cri. Son album Ce soir on sort... se veut celui de la « réconciliation », sans jouer la résignation. Le public a aussi changé un peu, les bruelmaniaques au féminin se déplaçant maintenant avec leur mari et leurs enfants. Mais la magie est toujours là. Le chanteur a réussi à créer de vrais moments de fraternité en live, en faisant danser les gens ensemble.
écrire cet album-là, cela a été plus compliqué. On sortait aussi de ce parcours où tous les soirs, on chantait des chefs-d'oeuvre… c'est un peu difficile après derrière. Il y a donc eu un degré d'exigence supplémentaire, un souci par rapport aux sujets, aux mots, aux virgules, aux silences… J'ai beaucoup travaillé ensuite sur les sonorités. Je voulais une sonorité assez moderne. Habiter Los Angeles la moitié du temps, ça vous influence sur les choix de l'environnement musical, forcément. Mais il ne fallait pas que ce soit du total look. Il y a des chansons comme Louise ,surle harcèlement, corroborées par une musique très forte, un peu à la Imagine Dragons [groupe de rock alternatif américain, ndlr], comme pour Stand Up, qui est festive et amène les gens très haut dans le ciel tous les soirs. deux s'en va et on a des regrets, il faut se parler, se dire les choses. Il ne faut pas perdre de temps, idée fondamentale. Et puis, vous évoquez Mon repère [dédiée à son ami disparu, le juriste Guy Carcassonne, ndlr], j'ai perdu mon repère, j'ai perdu mon socle… Je ne la chante pas dans le spectacle, je n'arrive pas à la placer dans la liste. C'est vrai que c'est un gros chagrin. En effet, c'est un amour perdu, comme Tout recommencer, Rue Mouffetard aussi… Heureusement qu'il y a une petite pointe d'espoir ! (en riant) Sinon, on ne serait pas bien. Peu importe ce que j'y ai mis. Ce qui compte, c'est ce que vous, vous y mettez.
L'important pour moi est l'universalité de ma chanson. Cela m'est arrivé d'écouter des chansons d'artistes que j'aime et de me dire : “c'est pas vrai, il connaît ma vie, c'est trop précis !” Mais non, cela ne s'adresse pas à quelqu'un de précis. Chanter, c'est lancer des balles, comme dit Alain Souchon. Après Ce soir on sort..., le public entonne La Marseillaise. Comment cela s'est fait ?
J'ai écrit Ce soir on sort... quatre jours après les attentats du novembre. C'est une chanson de réconciliation, dans un album de réconciliation et un spectacle de réconciliation.
L'année dernière, j'ai fait quelques concerts isolés. Un soir, j'ai dit à Benjamin [Constant, aux claviers, ndlr] : “Ne t'arrête pas de jouer à la fin, je vais commencer quelque chose, et quand tu vas reconnaître, tu vas m’accompagner, tu verras bien”. J'ai commencé à murmurer, les gens ont commencé à reconnaître et à murmurer. Maintenant, ils ont entendu le disque et ils reprennent l’air tout de suite. J'ai eu envie de ponctuer cette chanson par notre hymne national, par une incarnation des valeurs de la République, par le fait que cet hymne n'appartient plus uniquement à un parti d'extrême droite, mais à tous les Français. Les gens ont besoin de dire quelque chose ensemble, de se réunir. Après, on a envie que ça dure, pendant heures, jours, semaines, ans, ans… Alors même si ça ne dure que minutes, au moins pendant minutes, ils auront eu ce sentiment de réconciliation. Rosé ou whisky ? Whisky. Amour, puisque dans l'amitié, il y a de l'amour. Et dans l'amour, il y a de l'amitié, donc les deux ! C'est extrêmement compatible, on ne peut pas choisir. Bandana, pour plein de raisons. Tout de suite concert, je ne pense qu'à ça [c’était juste avant de monter sur scène, ndlr]. Pour sortir, je suis aussi plutôt concert. Je fais plus de cinéma que de théâtre, mais les deux ! Une reconnaissance est toujours bonne à prendre. Un Oscar, tiens, voilà ! Et un Oscar [c'est le prénom d'un de ses deux fils, ndlr], je l'ai déjà, c'est ça qui est bien, il a ans.