Monaco-Matin

Femmes battues : et Marie a quitté son « mari idéal ». Témoignage

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Rendez-vous dans un local discret de l’Abri Côtier. Un centre d’accueil de jour, créé en 2013 par le CCAS de Nice, où Marie a trouvé réconfort, écoute et soutien. Comme 200 à 250 autres femmes qui, chaque année, y sont prises en charge après avoir subi des violences conjugales. Pour cette Niçoise de quarante-huit ans, la vie de couple avait commencé quasiment sans nuages. Avec un homme rencontré en 1995, épousé le 1er janvier 2000. Mais le jour même de la cérémonie, son attitude ambiguë à l’égard d’une jeune nièce aurait dû l’alerter. «Je

n’ai pas voulu voir » ,sereproche Marie. « Ayant reçu une éducation stricte, j’avais des valeurs. » Malgré tout, une union sans histoires pendant quelques années :

« C’était un homme parfait. Gentil, bienveilla­nt, attentionn­é. Et un père exemplaire. »

De « petit apéro » en tournée

générale, « l’alcool mauvais » a commencé à faire sentir ses effets. Très vite, la manipulati­on, les insultes, la jalousie et une forme de soumission. Précipitan­t Marie, déjà victime de harcèlemen­t moral au travail, dans une dépression suffisamme­nt lourde pour justifier une hospitalis­ation de six semaines dans une clinique psychiatri­que.

Volage et voleur

De son côté à lui, les tromperies se seraient répétées. Le mari volage l’aurait également dépouillée : «Ilm’a volé de l’argent, mais là encore j’ai fermé les yeux, décidément très naïve. » Marie qui, selon une circonstan­ce manifestem­ent aggravante, gagnait plus que lui, a vu pour mille autres raisons son union partir à vau-l’eau. « J’ai mis ma vie de femme entre parenthèse­s. Je n’ai pas su partir, j’ai eu peur. » Dans l’intervalle, quelques états de grâce. Et même des élans irraisonné­s : « Pour mes quarante ans, il a organisé une super fête avec DJ, boule à facettes et voyage en Floride. » Idem pour le sac Vuitton ou le permis de conduire offerts à sa fille « avec

de l’argent qu’il n’avait

pas », le tout à crédit. Marie, passée un temps de 93 à 57 kg, a fini par rencontrer un collègue, elle qui se disait « ne plus croire aux

hommes ». L’estime de soi est revenue. Et un peu d’assurance. «Je me suis promis de quitter mon mari s’il lui prenait encore l’envie de me rabaisser. » Ce qui n’a pas manqué de survenir. Le 4 février 2018, pour un motif futile et dans les vapeurs de l’alcool, une bordée d’injures et une claque.

« Ma bonne fée »

Marie a tenté de sortir de la pièce. « Il s’est dénudé, m’a

empêché de passer et m’en a remis une. »

La décision était prise. «Je l’ai prévenu que j’allais voir la police. Il a essayé de faire basculer l’aquarium et a bousculé l’un de mes chiens. Pour me faire reculer. » Marie, en pyjama et claquettes, n’a eu que le temps d’attraper son portable et ses clés. « J’ai sonné chez mes voisins en hurlant. Étant nu, mon mari n’a pas pu réagir. » Sa plainte enregistré­e, Marie s’est réfugiée chez ses parents, contrainte de laisser à cet homme l’appartemen­t dont elle était pourtant seule propriétai­re. « Il l’a occupé pendant un an à titre gratuit, et c’est moi qui ai dû payer les charges. » Ce n’est pas tout : « Il m’a dérobé 7 000 euros. A escroqué ma mère sur des chèques emploi-service. Et s’est retrouvé avec 32 000 euros de dettes. » Tout en le jugeant malade, Marie culpabilis­e. D’avoir notamment occulté ce qu’elle décrit aujourd’hui comme un véritable « cauchemar ». Le divorce n’est pas encore prononcé mais le dénouement se rapproche.

La police l’a mise en relation avec une assistante sociale qui, en « bonne fée », l’a aidée. À l’Abri Côtier, elle a bénéficié d’un accompagne­ment complet et a rencontré d’autres femmes avec lesquelles s’est constitué «un noyau» . Certaines, parmi elles, sont encore sur le chemin. Un seul conseil : « Partir. » Malgré les épreuves à venir, dont la précarité et les amis qui vont fuir, « partir au plus vite ».

 ??  ?? Il y a dix-huit mois, Marie, une Niçoise de  ans, se séparait du père de sa fille. En ouvrant les yeux sur des signes qu’elle n’avait jamais voulu voir. Après une gifle de trop et des années de cauchemar. (Photo F. L.)
Il y a dix-huit mois, Marie, une Niçoise de  ans, se séparait du père de sa fille. En ouvrant les yeux sur des signes qu’elle n’avait jamais voulu voir. Après une gifle de trop et des années de cauchemar. (Photo F. L.)

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