Les Bleus dans le noir
Malgré une préparation intense, le XV de France n’a pas donné de gages de compétitivité. Son entrée en matière face aux Argentins éclairera, ou pas, son avenir dans la compétition
La France s’est passionnée tout l’été pour le casting et la sélection des 31 joueurs chargés de défendre la patrie au Japon. Pas sûr que l’automne arrivé, elle le fasse pour l’épreuve ellemême.
D’abord parce qu’une partie des supporters tricolores s’est lassée des échecs des Bleus à répétition et boude toujours son équipe défaillante, comme en attestent les dernières affluences à l’occasion des matches préparatoires, à Nice et au Stade de France, où elle n’a pas rassemblé plus de 25 000 spectateurs.
Ensuite parce que le rugby, par tradition, est un sport de soir ou d’après-midi et ne réunit personne le matin (décalage horaire oblige), à l’heure des réunions de travail...
Enfin parce que les Bleus, de Brunel ou Galthié, n’ont toujours pas convaincu qu’ils pouvaient retrouver leur standing dans le gotha des nations du rugby et jouer un vrai rôle d’outsider au pays du Soleil-Levant.
Le strict minimum de repères
Certes, ils ont affiché en août, en amical, quelques progrès dans l’ordre de la vitesse et du respect des plans de jeu face à l’Écosse à Nice (32-3). Mais ils sont retombés dans leurs approximations et leurs limites la semaine suivante à Murrayfield (14-17), puis se sont montrés très brouillons et indisciplinés face à l’Italie (47-19). Et ont déjà douché les espoirs de renouveau nés sur la Côte d’Azur. Malgré deux mois et demi de vie commune et de travail intense sous la houlette du duo Giroud/Galthié, le XV de France va se présenter sur la ligne de départ du Mondial avec le strict minimum de repères. Cela pourrait n’avoir que peu de conséquences dans une poule ne réunissant que deux immenses favoris – comme la poule B par exemple (Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Italie, Namibie, Canada) – où l’on connaît déjà les deux qualifiés.
Ce sera beaucoup plus compliqué dans la poule C, baptisée « poule de la mort » dès le tirage au sort : les Bleus devront devancer l’Angleterre ou l’Argentine pour se qualifier.
Un exploit d’entrée sinon...
Partant du principe qu’ils restent capables de dominer les USA ou les Tonga, leur chance, ou leur malchance (l’histoire le dira), est qu’ils n’auront finalement qu’un exploit à réaliser face à l’Argentine dès leur entrée en lice dans la compétition (le 21 septembre au Tokyo stadium), pour se qualifier et atteindre les quarts. Mais cette rencontre, à double tranchant, pourrait aussi déjà quasiment les éliminer Là ou les Bleus se sont endormis sur leurs lauriers, au lendemain de la finale en trompe-l’oeil perdue contre les All Blacks en 2011 (8-7) et se réveillent un peu tard aujourd’hui, les Argentins, eux, ont su se remettre en question, privilégiant depuis dix ans leur équipe nationale et créant même une franchise pour s’aguerrir au contact des meilleurs. Toutes les conditions semblent aujourd’hui réunies pour qu’ils en récoltent les fruits.
La sélection en cas de défaite puisqu’elle les obligerait à battre l’Angleterre à l’occasion de la dernière journée de la phase qualificative.
Si la glorieuse incertitude du sport laisse évidemment la porte ouverte à tous les scenarii, elle ne permet quand même que très peu de miracles en rugby. Plutôt que d’imaginer couler in extremis la perfide Albion, même si à ce moment-là celle-ci n’aura pas forcément besoin d’une victoire pour obtenir sa qualification, le XV de France doit impérativement battre l’Argentine pour parvenir à ses fins.
Dans le contexte actuel, un quart contenterait à peu
(1) Composée des meilleurs joueurs issus des îles Tonga sous l’égide de la
Ikale Tahi (Sea Eagles), cette équipe rassemble régulièrement de vrais talents individuels et quelques monstres physiques qui lui permettent de se rapprocher des meilleures nations, sans pouvoir vraiment les contester jusque-là. Il faudra quand même s’en méfier. La sélection LES AVANTS (17)
Antoine Dupont (Toulouse), Maxime Machenaud (Racing 92), Romain Ntamack (Toulouse), Camille Lopez (Clermont), Wesley Fofana (Clermont), Gaël Fickou (Stade Français), Virimi Vakatawa (Racing 92), Sofiane Guitoune (Toulouse), Yoann Huget (Toulouse), Damian Penaud (Clermont), Alivereti Raka (Clermont), Thomas Ramos (Toulouse), Maxime Médard (Toulouse).
près tout le monde. Outre le fait qu’une élimination à ce stade n’aurait plus rien d’infamant, elle permettrait aussi à Fabien Galthié de préparer la Coupe du monde 2023 dans la continuité de ce qui a été engagé.
Des demies, nous n’en parlerons pas, même si les plus optimistes peuvent encore y croire aujourd’hui…
Inquiétants Pumas
Aujourd’hui, seule l’Argentine doit occuper les pensées des Français. Ces Pumas de Mario Ledesma, qui, malgré leur 11e place au classement World Rugby, sont sur une tout autre dynamique que les Bleus. Après avoir souffert de leur éloignement sur la scène mondiale, ils inquiètent de plus en plus régulièrement les grandes nations, qu’ils côtoient désormais dans le cadre du Rugby Championship mais aussi dans le Super rugby, où les Jaguares, qui composent l’essentiel de la sélection, se sont hissés jusqu’en finale cette
année. Que Ledesma ait jugé inutile de garder dans son squad le troisième ligne du RCT, Facundo Isa, ou l’ailier de l’UBB, Santiago Cordero, en dit déjà beaucoup sur le niveau de ses individualités, même si officiellement ces choix ont été dictés par la volonté de privilégier les joueurs restés au pays et l’état d’esprit club qui anime son groupe.
Le groupe France, qui vient de passer au shaker médiatique puis au tamis fédéral, évoluera-t-il lui aussi comme un seul homme ? Aura-t-il digéré une préparation physique estivale particulièrement dure car censée le ramener, d’un coup d’un seul, au niveau des standards internationaux ? Au-delà des individualités finalement retenues, dont on ne doute pas des qualités, on a encore du mal à entrevoir cette indispensable union sacrée. Bien que régulièrement qualifiés pour participer à la Coupe du monde, les
« Eagles » n’y ont jamais brillé. À leur palmarès à ce jour deux victoires seulement contre le Japon pour quinze défaites. L’arrivée en 2018 de l’entraîneur sud-africain Gary Gold ne devrait pas suffire à changer la donne.
La sélection