Relaxés. Et après ?
« Victoire historique » pour les uns – insoumis, écologistes, et plus encore militants du mouvement ANV-COP, initiateur de la campagne de décrochage des portraits du président de la République dans les mairies.
« Jugement délirant » pour d’autres, « assassinat du droit » (dixit un avocat de renom) par un magistrat qui a fait passer ses convictions politiques avant le respect de la loi. Le surprenant jugement du tribunal de Lyon relaxant deux « décrocheurs » restera à coup sûr dans les annales, même s’il risque fort d’être infirmé en appel. L’enjeu matériel était modeste : un vol de quelques euros, pour lequel les prévenus ne risquaient pas cinq années de prison (peine maximum encourue pour un vol en réunion), mais tout au plus une amende assez modeste. Le parquet avait requis euros. L’enjeu politique et symbolique, considérable. Car l’ambition de la défense – comme dans les précédents procès de « décrocheurs » et ceux qui suivront – était de faire reconnaître le droit à la désobéissance civile et ainsi inverser la charge : faire des accusés des accusateurs. Et d’un procès pour vol le procès de la supposée « inaction climatique du gouvernement ». Retournement réussi, aux termes d’un jugement qui leur donne raison au-delà de toute attente. L’important, l’inédit, n’est pas que les prévenus aient été relaxés. Ce n’est pas la première fois. L’important, c’est la manière dont le juge a cru devoir motiver sa décision, allant jusqu’à épouser la cause des décrocheurs dans un texte que leur avocat aurait pu signer. En résumé :
/ La lutte contre le dérèglement climatique est une urgence absolue.
/ Le gouvernement ne tient pas ses objectifs (la preuve ? c’est la défense qui le dit).
/ Face à cette carence, les citoyens doivent inventer d’autres modes d’expression que le vote.
/ Faute de pouvoir s’adresser directement au chef de l’Etat, « l’enlèvement sans autorisation » (sic) de ses portraits « doit être interprété comme le substitut nécessaire du dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple » (resic). L’argumentation est cohérente. Mais bien plus politique que juridique. Le juge n’a ni les moyens, ni la compétence pour juger de l’urgence climatique et de la pertinence de la politique gouvernementale. Pas plus qu’il n’est chargé de disserter sur les insuffisances de la démocratie représentative. Quant au pilier juridique qui soutient le tout, la notion d’« état de nécessité » invoquée par la défense, il est singulièrement faiblard. Car si ce concept existe en droit français, il ne s’applique pas ici : il consiste à autoriser une action illégale nécessaire face à un danger actuel ou imminent. C’est la mère de famille qui vole de la nourriture pour son enfant affamé. C’est l’automobiliste qui franchit la ligne jaune pour éviter un accident. Avec la meilleure volonté du monde, on ne voit pas comment décrocher des portraits d’Emmanuel Macron serait de nature à stopper illico le réchauffement climatique.
Ce qu’on voit, c’est à quels abus pourrait mener une telle jurisprudence si elle venait à se généraliser. Et comment elle pourrait être dévoyée demain au service de toutes sortes de causes, plus ou moins nobles, dès lors que des activistes de tous poils, prétendant bien sûr agir en état de nécessité, trouveraient pour les absoudre un juge à l’oreille attentive.
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