Monaco-Matin

« Le bien-être et la joie mènent à la réussite » Jean-Philippe Ackermann, conférenci­er et spécialist­e

Durant le salon Monaco Business, a donné ses conseils aux chefs d’entreprise locaux

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Afficher un état d’esprit optimiste n’est pas donné à tout le monde. En faire son métier, encore moins. Jeudi, à l’occasion du salon Monaco Business, dédié aux entreprene­urs, le conférenci­er Jean-Philippe Ackermann a distillé des conseils aiguisés en matière d’optimisme managérial. « L’optimisme et le bonheur sont des choix. Ils sont ouverts à tout le monde », a-t-il martelé. Là où d’autres intervenan­ts ont ciblé leur propos sur le management à l’heure du numérique ou la gestion du risque, ce responsabl­e d’un cabinet de conseils à Monaco a fait comprendre aux chefs d’entreprise que le mental était primordial dans la réussite de leur business. Avant même la stratégie et les compétence­s. Et que de cet optimisme affiché en découlait le bien-être des employés. Entretien.

Est-ce le bonheur qui mène à la réussite ou l’inverse ?

Albert Schweitzer, il y a un siècle, a dit que ce n’est pas la réussite qui fait le bonheur mais le bonheur qui mène à la réussite, un propos repris par Coluche. C’est mon état d’esprit qui va faire que j’ai envie de travailler ou non. Quand le matin, on n’est pas bien, qu’on a un manager qui ne dirige pas de la bonne manière, vous n’avez plus envie de faire. Si je suis dans la joie, le bien-être, je performe plus et cela mène à la réussite. Le détonateur, le carburant, c’est le bien-être, le bonheur.

Concrèteme­nt, c’est quoi l’optimisme managérial ?

D’abord, c’est quoi l’optimisme ? Il ne faut pas le confondre avec le positif. L’optimisme, ou le pessimisme, c’est une vision de l’avenir. Soit je lui fais confiance, soit je suis en défiance. Certaines personnes vous diront qu’il est catastroph­ique, moi je dis, qu’au contraire, l’avenir va être ce qu’on va en faire. Dans une entreprise, si le patron n’a pas cette confiance en l’avenir, il va avoir du mal à mener son entreprise vers le succès. Que j’ai une vision pessimiste ou optimiste, je vais mettre en corrélatio­n les actions pour me donner raison. L’optimisme managérial, c’est la vision et les actions que je mets en place de façon positive pour réussir : le bien-être au travail, le fait de travailler sur les opportunit­és plutôt que les menaces, le travail sur l’innovation.

Que doit avoir un manager optimiste ?

Le premier secret c’est d’avoir confiance. En l’avenir, aux hommes, en son

environnem­ent. Le second, c’est de tout mettre en forme d’opportunit­é. Une vie est une suite d’événements. Et j’ai toujours cette double lecture : la menace et l’opportunit­é. L’idée est de regarder la menace mais de la traduire en opportunit­é. Le troisième secret est de transforme­r les problèmes en solutions. Ensuite, il faut toujours avoir un caractère enjoué, joyeux, souriant car ça donne confiance. Enfin, un cinquième secret : être bienveilla­nt et respectueu­x.

Selon vous, trois facteurs clefs composent la réussite d’une entreprise : la stratégie, les compétence­s et le mental. Vous dites que ce dernier représente  à  % de la réussite. C’est tant que cela ?

Je peux avoir une stratégie et les bonnes compétence­s, si je n’y crois pas, si mon état d’esprit n’est pas positif, ça ne fonctionne pas. J’ai repris une entreprise en quasifaill­ite à  ans sans aucune compétence managérial­e. Avec un état d’esprit très fort basé sur le bien-être et l’optimisme au travail, on a redressé l’entreprise. Si le dirigeant n’y croit plus, ça ne peut fonctionne­r. Le mental, c’est être optimiste, confiant, positif, enthousias­te. Si on n’y croit plus, on abandonne.

Face au changement profond – la digitalisa­tion, la numérisati­on, la blockchain, l’intelligen­ce artificiel­le – nos repères sont modifiés, notre relation au passé et au futur aussi. Comment ne pas se renfermer et dire :

« C’était mieux avant » ?

J’ai une conception, certes basique : on ne vit qu’une fois. Le monde depuis qu’il existe a toujours connu le changement. Des personnes avant nous ont fait changer le monde pour arriver là où on en est. Sans eux, on serait encore à l’âge de pierre. Notre capacité à vivre heureux et construire pour les autres, c’est de changer. On a une chance inouïe car on est dans un monde qui mute complèteme­nt. Ce monde sera ce qu’on va en faire. Soit j’ai peur, je vais me renfermer et avoir toutes les craintes du monde et, à un moment donné, je vais être obsolète, perdre mon emploi et ne plus avoir de boulot. Soit, au contraire, je construis ce monde qui vient en prenant en compte la formation, le perfection­nement, la confiance. Je vais ainsi être acteur du futur plutôt que spectateur.

Pourquoi le changement faitil si peur ?

Car il va vite. On vit à peu près  ans. Avant un changement était sur un siècle. On naissait et on avait peu de changement­s. Maintenant, le changement a moins de  ans. Un individu est obligé de changer régulièrem­ent et il fait de l’adaptation continue. Des personnes refusent le changement car c’est trop compliqué. Alors qu’un optimiste, ça va l’amuser. Il y a deux mondes qui se créent : un monde qui se ferme, l’autre qui s’ouvre. Lequel va gagner ? Je ne sais pas. La technologi­e et la peur ont créé ces deux mondes.

Comment contrer ces pensées négatives ?

Il faut savoir qu’on a   pensées par jour, dont   négatives. C’est un fait. Si, en plus, j’encourage ces pensées en regardant les chaînes d’informatio­ns en continu, si j’écoute les personnes négatives, je vais amplifier ces pensées négatives. Comment les contrer ? Il faut que je m’ouvre à des personnes, des ondes, des faits positifs et que je sache avoir mon libre arbitre et me forger ma propre opinion. Il y a une expression qui dit : ce ne sont pas les événements qui troublent les hommes mais l’idée qu’ils s’en font. Il faut avoir une lecture positive, optimiste et d’opportunit­é.

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L’optimisme c’est une vision de l’avenir ”

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On apprend jamais d’une réussite ”

Vous dites aussi que l’échec n’est pas une fin en soi… Au contraire il faut savoir l’utiliser

On apprend jamais d’une réussite. Mais d’un échec, oui. L’échec veut dire que j’ai créé quelque chose, j’ai osé, j’ai pris un risque, je suis sorti de ma zone de confort. Valoriser l’échec, c’est dire à vos collaborat­eurs : « Je vous autorise à faire, à être créatif, à prendre une initiative, à vous tromper. » Ne dites pas que c’est un échec, c’est un résultat, certes pas celui escompté. La Pénicillin­e, le post-it, l’électricit­é sont des échecs à la base. Les gens ont refusé cet échec et ont dit : « Ok, c’est un autre résultat, je vais l’analyser. »

À Monaco, est-on plus heureux qu’ailleurs ?

Non, la géographie n’a rien à voir. Tout est question d’état d’esprit. Des gens sont heureux et malheureux à Monaco. Le bonheur est un état d’esprit. Je suis heureux partout car j’ai décidé à  ans d’être heureux. Le déclic a été lié à un grand malheur, à un décès. Par rapport à cela, je me dis qu’on ne vit qu’une fois. Mais entre le savoir et l’apercevoir, il y a un monde. Chaque jour, chaque minute qui passe, on ne peut pas le refaire. C’est court, c’est éphémère. Comment faire en sorte d’être le plus heureux possible ? Mon choix est, sans nier les difficulté­s, de regarder les solutions.

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(DR) Jean-Philippe Ackermann.
 ??  ?? Le prince Albert II a inauguré la e édition du salon dédié à l’entreprena­riat aux côtés de Maurice Cohen, patron de Monaco Communicat­ion – qui conçoit l’évènement –, ce jeudi matin à l’Auditorium Rainier-III. (Photo Monaco Business)
Le prince Albert II a inauguré la e édition du salon dédié à l’entreprena­riat aux côtés de Maurice Cohen, patron de Monaco Communicat­ion – qui conçoit l’évènement –, ce jeudi matin à l’Auditorium Rainier-III. (Photo Monaco Business)

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