Le procès du volet financier de l’affaire Karachi s’est ouvert
Vingt-cinq ans après, un premier procès s’est ouvert hier dans la tentaculaire affaire Karachi : trois politiques, un industriel et deux intermédiaires sont jugés au tribunal correctionnel de Paris, pour des soupçons de commissions occultes en marge de la campagne présidentielle d’Édouard Balladur en 1995. C’est exclusivement le volet financier du dossier qui est aujourd’hui jugé, et en l’absence du principal intéressé, Édouard Balladur, et de son ancien ministre de la Défense François Léotard, qui viennent d’être renvoyés devant la Cour de justice de la République.
Ces six hommes, parmi lesquels l’ex-directeur de campagne d’Édouard Balladur, Nicolas Bazire, et le sulfureux homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, sont accusés d’abus de biens sociaux ou de complicité et recel de ce délit, notamment au détriment de la branche internationale de la Direction des constructions navales. Tous sont présents, à l’exception de l’intermédiaire Abdul Rahman Al Assir, Espagnol d’origine libanaise, résidant en Suisse.
M€ de commissions
La présidente Christine Mée a consacré cette première journée à la présentation de l’affaire. Les interrogatoires débuteront aujourd’hui.
Au coeur du dossier : des soupçons de rétrocommissions sur des sommes réglées à des intermédiaires, le « réseau K », en marge de plusieurs contrats passés en 1994, pour la vente de frégates à l’Arabie saoudite et de sous-marins au Pakistan. Si le versement de pots-de-vin à des agents étrangers était alors la règle à l’international, les rétrocommissions étaient, elles, proscrites. Après des années d’enquête, les juges d’instruction ont estimé que 327 millions d’euros au titre de commissions, légales mais «indues » et « exorbitantes », sur des contrats d’armement avaient été versés au « réseau K » (pour «King» , allusion au roi d’Arabie). Pour les magistrats, ces commissions avaient en outre donné lieu à des rétrocommissions, d’un montant de plus de 10 millions d’euros, dont une petite partie se serait retrouvée sur les comptes de campagne d’Édouard Balladur. Pour l’accusation, ce financement occulte intervenait dans le contexte de la lutte fratricide opposant alors au sein de la droite le Premier ministre sortant, sans appareil, au maire de Paris Jacques Chirac, qui avait le soutien du RPR.