Monaco-Matin

Léa, torero à cheval : débat avec une diva de la corrida

En marge du festival Ciné Roman à Nice, rencontre avec la Nîmoise Léa Vicens. Qui, alors que la corrida fait de nouveau polémique, dénonce « la bien-pensance »

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Alors que gronde un nouveau débat, cette fois autour de l’interdicti­on des arènes aux moins de 16 ans, l’échange avec Léa Vicens a du piquant. Difficile d’imaginer cette belle jeune femme de 34 ans, dont un portrait illumine cette semaine les pages de Vogue, face aux 550 kilos d’un puissant taureau de combat. Installée depuis quinze ans à Séville, elle détient la première place dans le classement mondial de la tauromachi­e à cheval. Devant les hommes. Sortie cette année de l’arène de Madrid en « triomphe », ce qu’aucune femme n’avait jamais réussi avant elle.

« Aseptisati­on culturelle »

Alors que Pierre Arditi et Me Dupond-Moretti se font lyncher sur les réseaux sociaux pour s’être faits les avocats de la corrida, Léa Vicens juge la polémique stérile. « On parle de 200 ou 300 enfants en France, c’est marginal. Les vraies dérives de notre société ne sont pas là.

On n’a pas de délinquant­s parmi celles et ceux qui assistent à la tauromachi­e. Alors que l’on trouve chez les vegans des extrémiste­s très violents. »

Son premier combat, elle l’a vu à 4 ans, avec ses parents. Le goût lui est venu beaucoup plus tard. Léa préparait un master en biologie : « Un électrocho­c dans l’arène de Nîmes. J’ai voulu faire cette chose impossible, à l’image de ce torero qui combattait et que je trouvais beau. Héros que toute l’arène applaudiss­ait. »

Ces «héros» sont aujourd’hui hautement controvers­és. La cruauté ? Impossible d’éluder le sujet. « Cet animal est élevé strictemen­t pour toréer. Si les corridas n’existaient pas, cette race ne serait pas là, étant issue d’une sélection. Ces taureaux ne sont pas apprivoisa­bles. On ne peut pas les domestique­r. Ni les exploiter pour leur viande. Pas plus que les femelles pour leur lait. » Les bêtes se battent dans les élevages où, quand on ne les protège pas, elles s’entre-tuent. « J’en ai élevé cinq ou six au biberon, mais comme chez le fauve, le petit reprend en grandissan­t son instinct naturel et devient très dangereux. » Elle comprend que l’on ne veuille pas faire de mal aux animaux. «Jel’entends, mais je souhaite aussi que l’on me respecte. Les détracteur­s, quand ils en auront terminé avec la corrida, s’en prendront aux éleveurs, puis aux pêcheurs. La disparitio­n de ce secteur serait une aseptisati­on culturelle, au nom de la bien-pensance. »

« Je déteste voir souffrir les animaux »

Chez elle, dit Léa, c’est l’arche de Noé. Tout le paradoxe est là : « Je déteste voir souffrir les animaux. Si je vois un oiseau avec une aile cassée au bord de la route, j’arrête ma voiture et je le récupère pour le soigner. » Le reste serait différent :

« Quand je tue un taureau, je n’ai pas de peine. C’est un guerrier, d’ailleurs les spectateur­s l’admirent. Les passionnés connaissen­t sa généalogie. »

La corrida comme un art… Léa Vicens rappelle que Goya, Picasso, Dali ou le Nîmois Viallat, ainsi que de nombreux écrivains dont Hemingway, s’en sont inspirés. « Ces gens-là n’étaient pas des sots, des incultes, des assassins. » Elle le maintient : «On ne met pas en scène la souffrance d’un animal. L’arène, c’est plutôt un théâtre où la vie et la mort se rencontren­t. » Elle sait risquer sa vie. « Pour autant, je ne suis pas un kamikaze. » Et sa monture ?

« Bach, un mâle lusitanien de neuf ans, que j’ai dressé depuis qu’il est poulain, est une vedette, qui reçoit à ce titre un traitement d’élite. Mes chevaux sont comme ma famille. »

 ??  ?? « Quand je tue un taureau, je n’ai pas de peine. C’est un guerrier », déclare Léa Vicens. (Photo C. Tiberghien)
« Quand je tue un taureau, je n’ai pas de peine. C’est un guerrier », déclare Léa Vicens. (Photo C. Tiberghien)

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