La semaine de Roselyne Bachelot
Lundi
Le plan de lutte contre les violences conjugales annoncé aujourd’hui coche toutes les cases. Seul problème : il n’y a pas un sou de plus dédié aux programmes ainsi définis. femmes sont mortes depuis le début de l’année assassinées par leur conjoint ou leur ex-conjoint, sans compter les meurtres non répertoriés et les nombreux suicides provoqués par les violences physiques et psychologiques de certains prédateurs. On comprend que les associations qui défilaient samedi dernier en bon ordre et dans la dignité estiment avec raison que décidément, le compte n’y est pas.
Mercredi
À l’issue du Conseil des ministres, Édouard Philippe s’exprime une fois de plus sur la réforme des retraites. Plus la date fatidique de la journée de grève du décembre approche, plus la multiplication des interviews « micro-trottoir » montre l’extrême confusion qui règne dans l’opinion publique, soigneusement entretenue par une opposition en plein désastre idéologique et des syndicats en pleine crise existentielle. Le système français de retraite, presque totalement assuré par la répartition qui veut que ce soit les actifs qui paient les pensions de leurs aînés, est miné par l’injustice et le manque de financement. L’injustice est criante quand on sait par exemple qu’un conducteur de bus de la RATP part en retraite à ans, ans avant son collègue conducteur de bus d’une société de transport en province, avec un taux de remplacement de son salaire de %, alors qu’il ne sera que de % au mieux pour le second. Ces inégalités sont indéfendables et les syndicats le savent.
Aussi ils se livrent à une grossière manipulation. Faute de pouvoir attaquer le système par points sur le plan de l’équité, ils soutiennent contre toute raison qu’il entraînera une baisse massive des pensions. Certes, les nouveaux pensionnés des régimes spéciaux verront leurs retraites calculées de la même façon que pour les autres Français,
et c’est bien le moins à attendre de cette réforme. Quant au niveau des pensions, il résultera de la valeur du point et du financement assuré par le montant des cotisations. C’est d’ailleurs exactement la même équation qui prévaut dans le système actuel : si vous vous refusez à toucher à l’âge du départ en retraite, à la durée et au montant des cotisations, les pensions baisseront inéluctablement et le système par points ne changera rien à cette loi d’airain.
Jeudi
Emmanuel Macron reçoit à l’Élysée le secrétaire général de l’Otan, le Norvégien Jens Stoltenberg. Il s’agit de préparer le sommet de l’organisation, qui doit se dérouler à Londres la semaine prochaine. C’est peu dire que le Président français avait mis un sacré coup de pied dans la fourmilière en indiquant dans une interview remarquée à The Economist que l’Otan était
« en état de mort cérébrale » .Enfait et en toute rigueur, s’il fallait faire un reproche au Président français, c’est d’avoir pratiqué la litote et ainsi minimisé la vérité. La situation est dramatique puisque la nation qui tient le manche du parapluie de
notre protection – en l’occurrence les États-Unis – a fait savoir clairement que la défense de l’Europe n’était plus son affaire. Donald Trump a donc annoncé que sa participation financière passait de , % à , % du budget de l’Otan. Ne croyez pas d’ailleurs qu’une défaite de Trump l’an prochain changerait la donne : cette inflexion était largement entamée sous Barack Obama. L’Allemagne, qui se devrait de respecter l’engagement de porter ses dépenses militaires à % de son PIB, indique qu’elle le fera peut-être… en , n’ayant en train nullement le désir de renoncer à une stratégie de désengagement qui lui permet de plastronner avec un excédent budgétaire et de donner des leçons à la terre entière. Et pendant ce temps, la Turquie, membre de l’Otan, mène en Syrie une politique qui met directement en danger les soldats qui mènent le combat contre Daesh. « Mort cérébrale » ? Laissez-moi rire ou plutôt grimacer : l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord est en train d’exploser, chacun en convient derrière les portes capitonnées mais il paraît qu’il n’en faut rien dire pour ne fâcher personne.
Vendredi
Une poignée de militants activistes ont bloqué des entrepôts d’Amazon pour dénoncer le « Black Friday ». Il faut convenir que par bien des aspects, ces gigantesques soldes sont horripilants. De la grotesque célébration d’Halloween à la multiplication des anglicismes inutiles, elles participent d’une envahissante américanisation de la société. Par ailleurs, comme on peut sérieusement douter de la bienveillante générosité de ces géants du commerce en ligne, il est certain qu’ils se feront
in fine un gras substantiel sur les consommateurs. Ceci étant, quand j’entends un de nos révolutionnaires dépenaillés dénoncer une « journée dédiée aux achats compulsifs », le voile du temple se déchire et je comprends enfin que les tenants auto-proclamés du bien nous prennent pour de sombres crétins incapables de résister à nos mauvais penchants et qui, hébétés, tapotent sur leur ordinateur pour se procurer des biens inutiles. Et alors ? En admettant même que cela soit vrai, on imagine la vision glaçante de la société que nous promettent ces nouveaux torquemadas de la bien-pensance, une société où chacun de nos comportements, même les plus intimes, serait jaugé, régulé ou interdit à l’aune d’une morale inquisitoriale. Décidément, et pour rester dans l’air du temps,
Big Brother is watching you…
« L’Otan est d’exploser, chacun en convient derrière les portes capitonnées, mais il n’en faut rien dire pour ne fâcher personne. »