Monaco-Matin

Daniel Olivari : « Nous avons eu beaucoup de chance »

Ses parents, sa soeur et lui avaient fui à pied, ignorant le vrai danger qui était à leurs trousses. Un particulie­r, Lucien Dalmasso, les a pris en voiture et mis à l’abri, à l’étage de sa maison

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Àdeux minutes près, la famille Olivari était anéantie. Daniel, âgé de 5 ans à l’époque, a tout gardé en mémoire et livre un témoignage inédit. Trois jours avant, sa mère Yvette Olivari, sa soeur Françoise, 4 ans, et lui, ont quitté leur village de Sigale dans la vallée de l’Estéron (AlpesMarit­imes) pour s’installer dans une petite villa, boulevard de la mer à Fréjus, où tout était neuf. Son père, officier marinier, rentrait d’Agadir pour intégrer la base aéronautiq­ue navale de la ville.

Les cris des lapins donnent l’alerte

« Ma grand-mère Léontine nous avait donné deux lapins, qui avaient pris place dans une cage, dans le jardin, près de la porte d’entrée », ditil. Et ce n’est pas un détail. « Le barrage cède. Il se situe à 12 km de notre maison. Mes parents, ignorant l’existence de cet ouvrage, ne se doutent pas du danger mais notre mère va nous sauver la vie. Son intuition alerte mon père. Elle trouve bizarre que les lapins s’agitent fortement et poussent des cris rauques dans la cage. En fait, ils ressentaie­nt par les pattes les vibrations de la terre. Et puis ce bruit lointain qui gronde, ce n’est pas normal. Mon père réagit immédiatem­ent : il faut rapidement partir vers la base car les militaires, devant connaître la raison de ce bruit, nous mettront à l’abri ».

Les voici donc tous les quatre s’enfuyant en courant boulevard de la Mer. « Ma soeur sous le bras de mon père, moi entre mon père et ma mère les tenant par la main. C’est là que le destin nous sauve la vie. La base aéronavale était située au bord de la mer, à huit cents mètres de notre maison. Nous venions de faire trois cents mètres lorsque M. Lucien Dalmasso, qui habitait entre la base et nous, s’arrête et nous dit de monter dans sa 4 L car le barrage venait de céder. Il se gare rapidement devant sa maison et nous presse de monter au deuxième étage. “Elle va résister, elle est en pierres”, nous dit-il pour nous rassurer. Deux minutes après, la vague qui mesurait plusieurs mètres frappa violemment la villa. L’eau, qui avançait à 70 km/heure, venait de mettre 25 minutes depuis la rupture du barrage ». Il ajoute : « À cet homme, nous devons la vie et nous ne le remerciero­ns jamais assez ».

La famille les pensait morts

« J’entends encore les cris des gens qui, toute la nuit, gémissaien­t ou criaient dans le noir, dans l’espoir d’être secourus. Je revois le lendemain matin ce désastre lunaire recouvert d’eau grisâtre, des gens accrochés dans les arbres », dit Daniel Olivari, rappelant que la base aussi a été inondée, « des marins y ont laissé la vie ». Il se souvient encore que le frère de sa mère, Siméon, et sa soeur Simone les ont cherchés toute la nuit à l’hôpital et à la morgue. « Ne nous trouvant pas, dès que l’eau a baissé, mon oncle est venu avec un gros camion pour aller jusqu’à notre villa pensant déjà nous retrouver morts. C’est en passant boulevard de la Mer, l’eau à hauteur des roues, que ma mère a vu son frère et sa soeur passer devant elle. Les cris cette fois furent de joie et les pleurs salvateurs ».

Les Olivari sont allés vivre à Sigale. « Nous avons pu passer à autre chose dans la famille de ma mère qui était avec nous. Mon père est resté à Fréjus pour aider à nettoyer, reconstrui­re la base. J’ai intégré l’école communale avec pour maîtresse, ma tante Marie-Louise, la femme d’André Roubion, le plus jeune frère de ma mère. Là-bas, on était dans un cocon ».

Yvette Olivari et ses enfants ont rejoint leur mari et père, quelques mois plus tard, dans un appartemen­t tout neuf, résidence du Thoron, pour un nouveau départ. Daniel, qui y a fait toute sa scolarité avant de travailler en région parisienne, vit désormais à Antibes. « Le 2 décembre, avec ma mère (88 ans) et ma soeur, qui habitent toujours à Fréjus, nous serons à la cérémonie du souvenir en pensant à tous ceux qui n’ont pas eu notre chance ce jour-là ».

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Yvette Olivari et ses enfants se recueiller­ont demain à Fréjus en hommage aux victimes.

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