Monaco-Matin

L’accident de référence à éviter et les leçons à tirer

Soixante ans après, deux spécialist­es reviennent sur le drame du barrage de Malpasset et apportent leur expertise à la lumière des connaissan­ces actuelles pour en comprendre les raisons

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Quelles sont les raisons de la rupture du barrage de Malpasset ? Soixante ans après, il ne s’agit pas de refaire les procès, qui ont laissé beaucoup de victimes sur leur faim, mais de voir comment deux spécialist­es répondent à cette question, à la lumière des connaissan­ces actuelles.

Gilbert Castanier, ingénieur géologue de l’École nationale supérieure de géologie (ENSG promotion 1977), et Jean-Marie Masset, ingénieur géologue ENSG (promotion 1971), apportent également leur contributi­on sur une autre interrogat­ion : quelles leçons a-t-on ensuite tirées de la catastroph­e ? [lire ci-dessous].

Ces deux points sont au centre des conférence­s qu’ils présentero­nt

(1)

dans le cadre de la commémorat­ion du soixantièm­e anniversai­re, en ce début décembre.

Une faille en aval

Le barrage de Malpasset n’était pas un barrage hydrauliqu­e, destiné à produire de l’électricit­é, mais une retenue d’eau pour alimenter la population et servait à irriguer la plaine.

Après sa rupture, des investigat­ions ont été faites, permettant à la profession de comprendre ce qui s’était passé et de l’expliquer aujourd’hui. Dans ce cadre, il a été mis en évidence une rupture à deux plans (dièdre) : la faille à l’aval et un plan à l’amont résultant de la déformatio­n de la fondation. Cela définit ce que l’on appelle un coin rocheux. C’est ce coin qui est parti. Ainsi, si l’on décortique, l’une des causes a été la pression de l’eau dans les fondations. « Le remède existe, il s’agit de drainer en faisant des trous dans les fondations pour dissiper la pression », selon Gilbert Castanier, spécialist­e de la géologie de la fondation des barrages-voûtes en France. Il précise : « Il existe différents types de barrages. Certains déforment peu la fondation, le barrage-voûte, comme celui de Malpasset, la déforme et cela modifie les écoulement­s d’eau, ce qui génère de fortes pressions sous l’ouvrage ».

Un piège géologique

Le contexte géologique défavorabl­e est un autre défaut à prendre en considérat­ion. « La configurat­ion géologique de Malpasset, c’est une fondation à proximité immédiate d’une faille à l’aval du barrage », analyse-t-il. Le rocher était déformable, car tectonisé, et anormaleme­nt poreux pour une roche telle que le gneiss, avec des lits de micas. Cela conduit Gilbert Castanier à qualifier le site choisi de véritable « piège géologique ». Sous l’effet de la tendance au soulèvemen­t de la fondation par la pression de l’eau et avec le déplacemen­t sur la faille à l’aval, le rocher s’est déchiré selon un lit de micas à l’amont.

À cette époque « la mécanique des roches était une science balbutiant­e », rappelle Gilbert Castanier et l’interactio­n entre un barragevoû­te et sa fondation était très mal connue. Depuis, Marcel Roubault, l’un des experts nommés après la catastroph­e et directeur de l’ENSG, a introduit ce type de formation dans le cursus des ingénieurs géologues.

Un remplissag­e rapide

Par ailleurs, les concepteur­s avaient envisagé au départ un barrage-poids (en forme de trapèze), en béton. « Ce type de barrage n’est stable que par son propre poids et sollicite peu les fondations. En outre, il était prévu à l’entrée de la gorge » précise-t-il. Dans le contexte de l’époque, le barrage-voûte faisait économiser une grande masse de béton. Le projet retenu était moins coûteux.

Sur ces mauvaises bases, les conditions météorolog­iques des jours précédant la rupture ont déclenché le drame.

Après une longue période de sécheresse, des pluies diluvienne­s, ce qu’on appelle « un épisode méditerran­éen », se sont abattues sur le secteur (2). « Le barrage, qui était resté très bas longtemps après sa constructi­on, s’est rempli soudaineme­nt » souligne le géologue. «Aujourd’hui, on ne ferait plus cela, on remplit un barrage par paliers, par étapes », commente-t-il. L’ouverture de l’unique vanne de vidange a bien été effectuée, mais bien tardivemen­t à cause des travaux de constructi­on, environ un kilomètre en aval, d’un pont sous l’autoroute. Le niveau de l’eau était déjà trop haut, les fuites importante­s. L’ouvrage a cédé, avec les terribles conséquenc­es que l’on connaît.

En 1971, le Conseil d’État a écarté toute responsabi­lité humaine dans la catastroph­e. géologue ENSG. Jeudi 5 décembre :

Masset, ingénieurs géologues ENSG.

À 18 heures à la villa Aurélienne, entrée gratuite. 2. Il était tombé 500 mm en dix jours, dont 130 mm en 24 heures le 2 décembre.

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(Photo Clément Tiberghien) Le barrage était construit dans un contexte géologique défavorabl­e.

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