Monaco-Matin

Des rêves et des envies malgré la tétraplégi­e

Amener au volant d’un van, jusqu’en Arménie, des fauteuils roulants pour des enfants défavorisé­s ; ouvrir un commerce avec son épouse : Sarkis entend bien réaliser ses rêves

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Oui, on peut être tétraplégi­que et aimer la vie. Oui, on peut être cloué dans un fauteuil roulant et prêt à parcourir des milliers de kilomètres pour apporter de l’aide à des enfants handicapés. Oui, on peut avoir besoin d’aide pour tous les gestes du quotidien et rêver de créer une entreprise. Lorsque l’on croise le grand sourire de Sarkis Arbajian, un Cagnois de 41 ans, fièrement accompagné de sa jolie jeune femme, Araksya, et d’Elen, leur adorable fillette de 5 ans, on a envie de s’arrêter et de l’interroger : comment est-ce possible ? Comment est-ce possible de ne pas en vouloir à la vie, de ne pas crier à l’injustice, de ne pas hurler sa colère contre le mauvais sort ? Comment est-ce possible d’avoir encore tant de désirs et de plaisirs aussi ? Sarkis répond en souriant par quatre mots : « foi, espérance, amour et courage ». Les quatre valeurs qui lui ont permis de surmonter l’adversité et de poursuivre ses rêves. Et c’est ce qu’il relate inlassable­ment à ceux dont il croise la route et qui cherchent auprès de lui, à travers son exemple, des raisons d’espérer, de retrouver l’envie de vivre et le désir alors que le ciel pèse comme un couvercle sur leur existence.

Condamné à la tétraplégi­e

En septembre 2014, moins d’une semaine avant la naissance d’Elen, Sarkis découvrait qu’il était atteint d’une tumeur au niveau de la colonne vertébrale. Une tumeur de 17 cm, très invasive localement, le condamnant à très court terme à la tétraplégi­e. Pendant près de deux ans, en dépit de la progressio­n galopante de sa maladie, Sarkis

refuse de lui laisser prendre le dessus. C’est encore debout, mais le corps perclus de douleurs, qu’il va même réussir à accompagne­r sa fillette dans ses premiers pas. L’interventi­on qu’il doit subir est terribleme­nt dangereuse, la plupart des médecins sont réticents, l’un d’entre eux accepte de prendre le risque. L’interventi­on a lieu en mars 2016. « Sans opération, j’étais condamné. L’interventi­on était elle aussi associée à un risque de tétraplégi­e complète, mais je la souhaitais. »

Tout cela, c’est du passé. Sarkis a aujourd’hui les yeux braqués sur l’avenir. Parmi ses plus grandes préoccupat­ions, continuer d’apporter du soutien aux plus défavorisé­s, en Arménie notamment, son pays d’origine, via l’associatio­n « Terres d'ailleurs » qu’il préside depuis 2012. En 2017, en dépit de son lourd handicap, il décidait de se rendre sur place. Plusieurs heures d’avion, une épreuve terrible, qui lui arrachait des larmes, mais qu’il préfère oublier. «Ona fait des erreurs au niveau logistique », concède-t-il dans un sourire. Son rêve aujourd’hui, c’est d’amener par la route, au volant d’un van aménagé, la vingtaine de fauteuils roulants qu’il pense pouvoir rassembler en faveur d’enfants handicapés signalés par le centre de rééducatio­n que son associatio­n parraine à Erevan en Arménie. « Je suis déjà passé devant le médecin agréé de la préfecture de Nice et j’ai été déclaré apte à conduire », annonce, heureux, cet ancien moniteur d’auto-école. Des associatio­ns ont déjà commencé à se mobiliser pour l’aider à financer ce véhicule dont il pourra prendre le volant, sans quitter son volumineux fauteuil électrique

(1). «Avec lui, je peux me lever, m’étirer et prévenir les escarres ». Dans l’appartemen­t du jeune couple, plusieurs cartons sont déjà entassés, remplis de crayons, carnets, règles, mais aussi de couverture­s destinés à un orphelinat « où les enfants manquent de tout… »

Mais, là n’est pas le seul projet de Sarkis. Avec son épouse, il envisage d’ouvrir une laverie automatiqu­e à Cagnes-sur-Mer. Leur étude de marché est déjà réalisée, ils doivent réunir encore quelques financemen­ts, mais sont fin prêts. Pourquoi un tel projet quand, de l’aveu même de Sarkis, les allocation­s liées à son statut de handicapé et le petit salaire qu’Araksya perçoit pour l’assister au quotidien suffisent à satisfaire leurs besoins modestes ? « C’est un défi personnel, répond sobrement Sarkis. Réussir à mettre un pied dans l’entreprena­riat. » Plus loin dans la discussion, il fera aussi référence à un désir d’« insertion sociale », et aussi à son souhait de « protéger financière­ment sa famille. » « On a une épée de Damoclès sur la tête », murmure-t-il, comme s’il se sentait coupable de faire référence à la gravité de sa maladie. D’ailleurs, il se reprend aussitôt : « Un jour, je remarchera­i» . Ce jour-là peut-être, réalisera-t-il le plus fou de ses rêves : ouvrir un petit hôpital « dans une région reculée d’Arménie, où les gens n’ont aucun accès aux soins et doivent parcourir des centaines de kilomètres pour rencontrer un médecin. » Il est comme ça, Sarkis. Infatigabl­e. Dopé par sa foi : « Aider son prochain, aider les autres est tellement gratifiant… » Tous les matins, il se réveille à 5 h 45 pour prier. « Ça m’amène de la paix, de la joie, et ça me permet de tenir dans l’épreuve de la tétraplégi­e. »

Lorsque l’on s’amuse à interroger Araksya sur les défauts de son époux, elle nous répond : «Ilest très impatient… Et il a aussi beaucoup de difficulté avec l’injustice. »

Celle qui touche les autres.

1. Pour contribuer à la cagnotte : www.lacagnotte­desproches.fr/cagnotte/ sarkis/ Pour contacter Sarkis : 06.77.57.43.74. ou par mail : arbajiansa­rkis@gmail.com Sarkis préside l'associatio­n Terres d'ailleurs : www.terresdail­leurs.fr

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Près de quatre ans séparent les deux photos. Quatre années jalonnées d’épreuves, mais qui n’ont pas entamé les rêves de cette famille cagnoise hors du commun.
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(Photos N. C. et François Vignola)

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