Violences : la place du gynéco Actu
Son exercice est dédié au corps de la femme. Le gynécologue est donc en première ligne lorsqu’il s’agit de repérer les victimes. Il mène ainsi un travail d’information et de prévention
Thématique aussi dramatique que cruellement d’actualité, les violences faites aux femmes ont été évoquées lors du 1er Gynecolloque, organisé mi-novembre à Nice (1). Un sujet abordé sous deux prismes particuliers : les mutilations génitales d’une part et les violences obstétricales d’autre part. Des faits auxquels sont confrontés les personnels de santé, avec les gynécologues en première ligne.
Le Dr Eliane Galiba est gynéco-obstétricienne au CHU de Nice L’Archet. Elle reçoit régulièrement des femmes ayant subi des mutilations génitales : l’ablation totale ou partielle des organes génitaux féminins externes. « Il s’agit de pratiques qui existent depuis très longtemps mais dont on a pris conscience assez tard. » Et elles sont toujours d’actualité : des jeunes femmes se présentent encore en consultation avec des stigmates d’excision ( «en moyenne 4 par semaine »). Preuve que ces pratiques, malgré leur condamnation au plan international, notamment par l’ONU, ont toujours cours dans certaines zones géographiques « surtout en Afrique subsaharienne et en Indonésie ». Toutefois, l’Occident n’est pas épargné : il arrive que des filles soient envoyées pendant les vacances dans le pays d’origine de la famille pour être excisées – le découvrant bien souvent sur le fait. « On estime que 200 millions de femmes sont excisées dans le monde, dont 53 000 dans l’Hexagone. Cette problématique nous concerne donc bien, nous, gynécologues français, souligne le Dr Galiba. Nous avons un travail d’information et de prévention à mener. »
Découverte lors de la consultation
Les professionnels font face à cette problématique dans deux cas de figure. Le premier est celui des étrangères primo-arrivantes : « Certaines viennent nous voir pour avoir
Le CHU de Nice L’Archet est doté d’une consultation dédiée aux violences faites aux femmes (). Les soignants du pôle femme-mère-enfant ont pris l’habitude de questionner les patientes afin de savoir si elles ont été ou sont victimes de violences ( patientes sur en gynéco répondent par l’affirmative !). Elles peuvent ensuite être orientées vers cette structure où elles reçoivent les informations dont elles peuvent avoir besoin, en plus d’une écoute attentive par une sage-femme référente. La consultation est aussi ouverte aux hommes victimes. Par ailleurs, l’intitulé n’apparaît pas sur les feuilles de Sécurité sociale. Un conjoint violent n’aura donc pas connaissance de cette démarche. un certificat d’excision. Ce sont des femmes qui ont quitté leur pays dans un contexte de violence et ce document leur est utile dans leurs démarches administratives. » Dans ce cas, la consultation gynécologique peut être une porte d’entrée pour une prise en charge sanitaire et sociale. Ces victimes sont souvent très marquées et s’inquiètent pour leurs propres filles. Le second cas de figure est celui d’une consultation classique. «Il m’arrive fréquemment d’apprendre à une patiente qu’elle a subi des mutilations génitales, qui ont manifestement été pratiquées dans l’enfance et dont elles ne se souviennent plus, raconte le Dr Galiba. Elles ne voient pas leur vulve, donc elles ne savent pas qu’elles ont été excisées ; il faut que je leur montre en comparant avec une anatomie non mutilée pour qu’elles comprennent. » Et souvent, cela fait remonter à la surface beaucoup de choses enfouies. Elles vont tout à coup trouver dans cette révélation l’explication à leurs problèmes gynécologiques à répétition.
« Dans cette situation, je leur explique ce qu’elles ont subi, ce qui a été fait et quelles en sont les conséquences. Souvent, ni l’exciseuse ni l’excisée ne savent précisément ce qui a été enlevé. Je mets aussi en garde ces femmes afin que les jeunes filles dans leur entourage ne soient pas à leur tour mutilées. » Pourtant, il est des cas où la patiente sait parfaitement qu’elle a été excisée… mais n’y trouve rien à redire – parfois même en dépit de douleurs chroniques. « Dans certaines familles, ces pratiques sont tellement ancrées, que des femmes ne comprennent pas en quoi elles sont condamnables. Certaines me disent qu’elles souhaitent que leur fille soit excisée, que c’est normal, que leur mari est circoncis… » Difficile alors de lutter contre ces traditions séculaires, aussi délétères soient-elles.
Reconstruction chirurgicale
Le rôle du médecin est également d’évoquer les possibilités de réparation, physiques et morales. « Un urologue français, le Dr Pierre Foldès, a mis au point une opération chirurgicale de reconstruction du clitoris. Car les répercussions sont importantes : les mutilations génitales augmentent le risque d’infections y compris sexuelles et peuvent engendrer des difficultés au
Excision, infibulation
Selon l’Organisation mondiale de la santé, « les mutilations sexuelles féminines recouvrent toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou autres lésions des organes génitaux féminins pratiquées à des fins non thérapeutiques ». L’excision est l’ablation du clitoris externe. Une infibulation va encore plus loin en procédant en plus à l’ablation des grandes lèvres dont les moignons sont ensuite suturés bord à bord, ne laissant plus la place qu’à un petit orifice permettant l’écoulement du sang pendant les règles et de l’urine. Attention, les mutilations génitales ne sont pas imposées par la religion ; elles ont cours dans certaines ethnies ou tribus.
moment de l’accouchement. » Le Dr Galiba fait également face à d’autres pratiques, dont on parle moins, mais qui perdurent aussi : « Ces dernières années, j’ai reçu des patientes qui avaient la poitrine très abîmée. J’ai ainsi découvert une pratique édifiante : celle du repassage des seins. Cela se pratique notamment au Cameroun : on “repasse”, c’est-à-dire qu’on écrase le bourgeon mammaire à la puberté… pour protéger les filles du regard des hommes… ». Preuve que le chemin est encore long et que, plus que jamais, il faut agir pour protéger toutes les femmes.
Violences faites aux femmes (et aux hommes) : une consultation dédiée